Fomenté à partir de nappes analogiques éthérées et d’arpèges obsessionnels, cette vision rétro-futuriste a du corps. Un disque solitaire comme ultime incarnation de l’avant-garde allemande.


Paru en début d’année, Life Coach n’est pas le premier album solo d’un illustre inconnu. Phil Manley est le guitariste et fondateur de Trans Am, trio combatif de Washington D.C., en activité depuis 15 ans et versant dans un rock mutant des plus abrasifs. Parallèlement membre des forces bruitistes The Fucking Champs et Jonas Reinhardt, Phil Manley est, de plus, un ingénieur du son côté (Oneida, Les Savy Fav, Wooden Shjips…). Voilà pour les états de service notoires du musicien.
Pour son premier album sous son propre nom, le guitariste prend la tangente des impressionnantes embardées post-punk/Kraut de TRANS AM pour une approche plus minimaliste et intimiste. L’essentiel de ces neuf plages instrumentales téléporte l’auditeur plus de 30 ans en arrière, vers une étonnante odyssée du rock expérimental. Véhicule amphibie, Life Coach sonde les abysses Kraut et ambient, revisite le futur, arpente les sommets irradiés et inconnus de Kraftwerk et Cluster.

On ne s’étonnera guère d’ailleurs de trouver sur les crédits du livret l’apport du mythique ingénieur du son Connie Plank, qui a enregistré pratiquement tous les plus grands noms du rock avant-gardiste de cette era, et bien plus (Neu !, Brian Eno, Can, Eloy…).
Pour autant, même confiné dans cet espace-temps musical, Life Coach dépasse pertinemment le simple cadre de la figure de style.

Simplement appuyé d’une guitare delay et de synthés analogiques (notamment le mythique Roland Juno 60), ce parti pris esthétique ne sert en définitive qu’à transfuser une variété d’émotions somme toute très personnelle : d’un thème grandiose et paisible (« Forest Opening « ), Phil Manley vaque vers d’autres états neurasthéniques (« Life Coach », « Work it Out »), parfois à partir d’arpèges acoustiques répétitifs inquiétants (« Commercial Potential » , » Lawrence, KS »). Sans trop prendre sa tâche au sérieux, il se paye même une petite récréation caustique sur “Gay Bather” en incluant quelques vocaux délurés.
Certains développements atmosphériques à base de delay (notamment “Work it Out” et l’errance nocturne “Night Visions”), renvoient parfois aux travaux en solitaire de Robert Fripp, le génial guitariste de King Crimson, et son curieux instrument le Frippertronics – sorte d’effets écho suramplifié.

Mais, peut-être, finalement que le morceau le plus surprenant de Life Coach est… folk : dilemme arcadien traduit sur fond de fingerpicking, “Make Good Choices” est un vibrant hommage à John Fahey qui n’a rien à envier à un James Blackshaw. Et de constater combien la palette musicale de ce musicien racé est aussi vaste qu’intrigante.

– Site officiel de Phil Manley
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Phil Manley – life coach