Renouvelant ses canons, le duo transatlantique jette en pâture un barillet rempli à ras bord d’entêtantes déflagrations.
Cette nouvelle livraison des Kills exaltait, avant son arrivée dans les bacs, un parfum d’inquiétude, voilant les vapeurs sulfureuses d’antan. Après dix années d’existence et trois albums encensés, le duo vénéneux présentait ce Blood Pressures dans un climat de haute tension (artérielle). Jamie Hince, devenu pilier des colonnes people par la fréquentation d’une célèbre Brindille, avait-il abandonné son esprit garage dans la remise? Alison Mosshart, ayant goûté aux charmes d’une formation plus étoffée, avec The Dead Weather en compagnie de Jack White, retrouverait-elle… sa voix(e)?
Nul besoin d’user d’un stéthoscope pour rassurer, dès les premières mesures, sur l’état de santé des patients: ils sont au meilleur de leur forme. Enregistré en vase clos dans l’isolement des bords du Lac Michigan, ce quatrième opus poursuit la rupture d’avec le confinement claustrophobe auquel le duo avait fini par habituer et repousse plus loin ses horizons. Les doses électroniques homéopathiques introduites sur Midnight Boom (2008) ont été confirmées dans le principe actif, où elles se précipitent allégrement avec une électricité suintant l’acide et le cambouis.
Fort de sa formule brevetée mais renouvelée, le duo peut alors se plaire à multiplier les registres. Il se montre aussi à l’aise dans le manifeste martial (“Future Starts Slow”; “Nail in my Coffin”) que dans la fugue incantatoire (“Heart is a Beating Drum”; “Damned if She Do”), voire le reggae claudiquant (“Satellite”). Surprenantes trêves au milieu des salves de riffs colubrins, “Wild Charms” et “The Last Goodbye” donnent à Hotel et VV leurs morceaux de bravoure respectifs. Tandis que le premier s’échappe pour un bref envol psychédélique aux consonances bowiennes, la seconde décline une sublime ballade d’un désenchantement épuré, donnant de la voix face à un piano désarticulé.
La complicité entre les deux protagonistes semble totale, se traduisant notamment par un nombre conséquent de titres gravés de leurs deux voix en symbiose. Sur ce point, l’assurance prise par VV, autrefois abritée sous des épaisseurs de saturation, étonne. L’ex-Discount n’hésite plus à apparaître sans fard (“DNA” ; “Pots and Pans”) complétant ses minauderies sauvages et autres clins d’œils à la regrettée Poly Styrene par de vibrantes envolées.
Cette richesse vocale est mise au service de textes à tiroirs, où cohabitent mises en garde à peine codées (« I loved her too her long, don’t love her too » – “Satellite”), conscient désenchantement (« How can I rely on my heart if I break it with my own two hands? – “The Last Goodbye”) et vibrantes injonctions (Dance, dance, dance, if you got no love around you – “DNA”). L’écriture à la saveur fielleuse et frontale n’a ainsi rien perdu de son mordant.
Blood Pressures est l’œuvre d’un combo mature, ayant parfaitement digéré ses influences et traçant désormais son sillon dans un espace beaucoup plus large que les caves, claques et autres réduits dans lesquels il s’était initialement consigné. Pour ceux qui veulent en avoir le cœur net (et les autres), le pèlerinage à Rock en Seine (Paris), où le groupe sera le 26 août, s’impose.
Le clip de “Satellite” :