Fugue, donc. Le titre dans la langue de Bashung, hautement symbolique, s’imposait tout seul. Mehdi Zannad, plus connu sous l’alias Fugu, ne pouvait mieux désigner en français son premier album sous sa propre identité. Le souci du détail a toujours été l’apanage de ce mordu de pop sixties anglo-saxonne, auteur deux albums intemporels : Fugu (2000), au classicisme West Coast, ainsi que le plus chaloupé As Found (2005). Sur ces deux merveilles, Fugu matérialisait ses obsessions pour les harmonies de Brian Wilson, les canons de la pop baroque selon The Millenium, The Left Banke et le dandysme brit pop charmant des Kinks. Aujourd’hui s’ouvre un nouveau chapitre, Fugue est l’histoire de la rencontre entre Mehdi Zannad et le cinéaste « Mods » Serge Bozon. Celle-ci a eu lieu lors du tournage de La France, où le musicien – outre une brève apparition face à la camera – cosigne les chansons du film (avec Benjamin Esdraffo). Quelques accointances musicales plus tard, Mehdi Zannad s’essaie donc pour la première fois à chanter entièrement en français sur les paroles de Serge Bozon. Et ce nouveau registre s’avère un pur nectar pop… made in France ! Les harmonies vocales fluettes et le sens des arrangements princiers de Mehdi Zannad sont – comme toujours – d’une élégance rare, produits de main de maître par le vieux complice Xavier Boyer (Tahiti 80). Les textes de Bozon, où il est souvent question de fuites mélancoliques, se fondent quant à eu, élégamment dans le paysage (« Le tableau », « Ecoute » ou encore « L’Allemagne » tiré de la BO de La France et son apothéose élégiaque). Même non accompagné de mots, Zannad fait des miracles – le subjuguant interlude « Barque » qui renoue avec les ambitions de la Sunshine Pop, deux minutes de perfection onirique. Seul petit couac, « L’aéroport », essai electro/pop minimaliste à la Jacno, pas vraiment convaincant. Et peut-être aussi la prose un peu trop foisonnante de « Oh Sarah » qui enlève un peu de fluidité à sa superbe mélodie. Toute tradition de la chanson française gardée, la pop demeure un art très succint… Mais ne gâchons pas notre plaisir, des disques de ce tonneau ne courent pas les rues, y compris hors de nos contrées, alors choyons cette fleur précieuse plus que de raison.
« Ecoute » en vidéo :