Parfois, on part du mauvais pied. Dès les premières lignes de la présentation d’album, les Hushpuppies avaient décidé d’envoyer du rêve.


Un concept, la « dérive bipolaire » (The Bipolar Drift), un philosophe-scientifique anglais, Lawrence Lawford, dont l’existence est aussi certaine que celle de Big Foot et qui aurait inspiré, d’après ses réflexions sur la dualité des hommes et leur capacité à répéter les mêmes erreurs, tous les textes de ce troisième opus. Tout un programme, à en rester coi, ou con. C’est au choix. C’était donc ça ces trois ans d’absence depuis l’ironique Silence Is Golden ? Trois longues années d’attente pour l’un des fleurons du garage-rock à la française (mais chanté en anglais), au même titre que Stuck In The Sound. Ce groupe « à la Mods » s’est forgé une solide réputation sur scène, le plus souvent devant un parterre de filles hystériques. Dès leur premier méfait, The Trap, succès critique et public (20 000 ventes), ces durs en cuir nous avaient séduit, envoyant du rock faisant remuer les pieds et transpirer les corps, avec des bombinettes telles “You’re Gonna Say Yeah” ou “Packt Up Like Sardines in a Crushtin Box”. Le tout sans trop penser, sans trop regarder en arrière, sans trop anticiper… Un côté branleur assumé qui pouvait rassurer. Dans la foulée, Silence Is Golden en était la prolongation plus travaillée, plus lissée, à la Hives.

Mais les Hushpuppies ont changé. Promis, juré, craché. D’après leurs dires, The Bipolar Drift, à la pochette magnifique (signée Julien Pacaud), est étiqueté « album de la maturité ». En musique, un concept (encore un) un peu fumeux à qui l’on a tout fait dire. En l’occurrence, les sudistes ont raison. The Bipolar Drift est mature, multipolaire, assumé. Peut-être faut-il y voir l’affranchissement d’un groupe qui, en cours de route, a perdu son label Diamontraxx en 2009, pour s’autoproduire (Chut Le Caniche Éditions, c’est eux) ?

Avec un nouveau bassiste (Marc Zory-Casali) et l’appui du leader de Axel And The Farmers, Axel Concato, pour l’enrobage sonore, le quintette signe un album plein, multiple et délicieux à l’usure. Bipolaire aussi, comme cette ouverture semi-instrumentale (“Open Season”) où le rock progressif laisse place, après quatre minutes, à une pop à claviers délicate. A l’instar de la danseuse de leur pochette, les Perpignanais ne cessent de faire le grand écart entre leurs anciens amours (“Stop”, “A Dog Day”, “Twin Sister”, un peu glam) et leurs nouvelles marottes : une balade electronica estampillée Air (“Every Night I Fight Some Giant”), un coup de boule à facettes new-wave (“Frozen Battle”) et par-ci par-là, quelques légères pointes de krautrock (“Open Season”, “Poison Apple”).

Pourtant casse-gueule, c’est un beau virage qu’ont pris ces Hushpuppies plus sereins que jamais. Du bel ouvrage. Même si, en souvenir du bon vieux temps, on aurait peut-être aimé quelque chose d’un peu plus crade. Mais bon, ça, c’est notre côté bipolaire.

Hushpuppies – « Low Compromise Democracy »
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