Venu d’Australie, un folk rock à la mélancolie tenace.


Il y a tout juste un an, nous découvrions avec bonheur un disque venu de nulle part. Un mini album au titre énigmatique : The recordings of the middle east . Vérification faite, ses auteurs venaient de Townsville, ville côtière du nord-est de l’Australie. Pas d’autre information, le groupe souhaitant visiblement rester dans l’ombre. Sa musique parlerait pour lui : à la première écoute, leur folk rock mélancolique et lumineux pouvait les faire passer pour de lointains correspondants des plébiscités Fleet Foxes ou Bon Iver. Mais on y trouvait également une noirceur propre à ceux qui parviennent à transcender leur spleen dans un déluge de guitares : visiblement marqué par les courants slowcore ou shoegazing, ce groupe semblait déjà voir beaucoup plus loin que le bout de sa barbichette folk.

Depuis cette découverte terrassante, plus aucune nouvelle de nos discrets amis des antipodes. Un site internet de plus en plus énigmatique, de moins en moins actif, jusqu’à la disparition complète. On croyait déjà le groupe mort et enterré, rajouté à la longue liste de nos espoirs sans lendemain. Et voilà que l’on retrouve aujourd’hui The Middle East, de retour avec un album sorti en Australie depuis quelques semaines et qui débarque maintenant sur les côtes européennes. Et le moins que l’on puisse dire est que la première écoute de ce nouvel effort laisse perplexe. Souvent privées de lumière, ces chansons autrefois accueillantes ne se laissent plus apprivoiser aussi facilement.

Il faudra donc savoir résister à deux premiers titres à la tristesse abyssale : le folk ténébreux de « Black death 1349 » précède « My grandma was pearl hall », évoquant une sorte d’Arcade Fire au ralenti. Passée cette introduction presque inhospitalière, « As I go to see Janey » sera la première balise à laquelle l’auditeur égaré pourra se raccrocher : si le moral n’y est toujours pas à la fête, une mélodie éblouissante sublimée par un harmonica lointain hisse le morceau vers des sommets que le groupe ne quittera plus. Richement orchestrées sans jamais verser dans la surenchère, les chansons de The Middle East sont de véritables modèles de construction folk rock : un banjo fantomatique mène « Land of the bloody unknown » sur les chemins brumeux de l’américain Kurt Vile. « Months » pourrait quant à elle donner à Sufjan Stevens de sérieuses envies de revenir à ses premiers amours pour la pop orchestrale.

La grande force de ce disque s’étirant sur plus d’une heure est au final de réussir à former un tout cohérent, malgré la diversité des climats fréquentés. Une capacité d’adaptation qui permet par ailleurs au groupe de tutoyer ses modèles sans jamais paraître scolaire : jouant jeu égal avec le folk cafardeux de Sparklehorse ou le sadcore de Low (« Mount organ ») , The Middle East réussit même sur les huit minutes de « Deep Water », conclusion bouleversante de cet album long en bouche, à ressusciter les ambiances pluvieuses crées autrefois par Mark Kozelek et ses Red House Painters. Un autre groupe discret qui aura durablement marqué tous ceux qui auront pris la peine de l’approcher : cette définition convient également pour The Middle East.

The Middle East – « Land Of The Bloody Unknown » :