« Et toi non plus tu n’as pas changé » chantait Juglio… Perdus de vue, on retrouve la valeureuse bande à Ian Ball sur un 7e opus enthousiasmant. La bande-son idéale sur la route des vacances.
Il y a des disques que l’on garde égoïstement pour soit, ceux d’Elliott Smith par exemple, d’autres qui donnent envie d’être partagés sans réserve. Gomez s’inscrit dans cette deuxième catégorie. Même si nous n’avons pas été très assidus avec la carrière du groupe de Southport depuis leur premier album Bring it On sorti voilà déjà treize ans, reconnaissons pourtant à ces vieux briscards une habileté jamais démentie à façonner des petits hymnes folk/rock fédérateurs.
Si les trois premiers albums ont eu bonne presse en France, Gomez n’a jamais réussi à percer au-delà de sa patrie. Douce ironie, sa musique s’est toujours éloignée des canons brit pop en vigueur, en prêchant dans ses mélodies acoustiques quelques doux versets bluegrass/soul. Aussi, c’est sans avoir eu écho de leurs trois derniers albums – et par conséquent avec des oreilles lavées de tout à priori – que nous nous sommes penchés sur leur septième opus, Whatever’s On Your Mind. Sans révolutionner son petit monde, voilà un disque « à l’ancienne », où les mélodies limpides et sensibles aguichent nos esgourdes, sans détour. Et ce dès « Options », ouverture de premier choix flanquée d’un refrain indéboulonnable, une de plus dans le répertoire déjà conséquent du chanteur Ian Ball.
Jamais très loin du gravier blues/folk des trois premiers albums aux pochettes cartonnés, Gomez œuvre aujourd’hui dans une pop plus produite, dopée par de riches arrangements. Seul l’usage fait des claviers a peut-être aujourd’hui tendance au clinquant, sans toutefois interférer dans la qualité des compositions, toutes remarquablement ciselées. Il faut dire que la formation britannique ne souffre pas de la cale sèche en termes d’inspiration : avec pas moins de trois chanteurs et quatre songwriters en son sein, les vieux routards peuvent allègrement piocher dans leur réserve pour sélectionner dix bons titres en vue de leur prochain album studio. Petit détail qui en dit long : chaque composition est créditée par le groupe, écartant ainsi toute crise d’égo. Quel groupe peut en dire autant après 15 ans d’activité ?
La personnalité de chaque songwriter est suffisamment forte pour offrir au final un disque varié et pas avare en mélodies qui se fredonnent instantanément. L’humeur alterne entre pop/folk enlevée et quelques ballades mélancolique orchestrées – ce dernier registre allant à ravir avec la voix rugueuse de Ben Ottewel (« Whatever’s On Your Mind », pour ces arrangements de violons à la Procol Harum). L’usage fréquent d’une section de cuivre et de arrangements synthétiques un peu cheap 90’s, reflète l’ambiance résolument bon enfant de leurs disques, et s’autorise même régulièrement quelques piques sarcastiques (« Just As Lost As You”). S’extirpe enfin quelques tentatives electro-pop plus hérissées, tel « The Place and The People » dont le deuxième acte s’avère, très émotionnel, s’avère sublime. Et mention spéciale à « Song in my Heart », certainement le morceau le plus accrocheur avec un fort potentiel « radio-friendly ». Après tout, il n’y a pas de raison de s’en priver si c’est du bel ouvrage.
En cette période où les jours se rallongent et où l’on aspire à un peu de légèreté, Whatever’s On Your Mind est le disque d’été providentiel. Même si Gomez ne nous bouleversera jamais autant qu’Elliott Smith, on concède sans honte choisir plus volontiers cet album pour prendre la route que le dernier Radiohead. Même si tout cela n’a qu’un temps. On a parfois tendance à l’oublier : pour faire un bon album, il faut de bonnes chansons. Evident, et pourtant rien n’est plus difficile. Mais Gomez est là pour nous remettre dans le droit chemin.