L’un des plus pertinents architecte de l’après-rock opère une transition décharnée et insommiaque sur ce 7e opus. Un retour revigorant sur son label des débuts, Western Vinyl.
On ne sait jamais trop sur quel pied danser avec Early Day Miners – désormais abrégé EDM. Même si la formation de Bloomington reste toujours dans un périmètre alternatif soigneusement balisé (post-rock, slow core, post punk…), son mineur en chef Daniel Burton met un point d’honneur à (se) surprendre à chaque nouvel album. Mais en le voyant sur la couverture arborer un chèche et des lunettes de night-clubber, avouons qu’il y a de quoi être plus déconcerté que d’ordinaire. Fausse alerte après écoute, si Night People est effectivement un disque de nuit, le groupe de Bloomington n’envisage pas encore sa reconversion disco « paillette ».
La « fièvre du samedi soir » telle que dépeinte par EDM n’a rien d’une pirouette innocente sur le dance-floor. Cette fièvre, d’obédience maligne, serait au contraire une descente aux enfers digne de celle de Cosmo Vitelli (celui de J. Cassavetes), où tout ne serait que désespoir, ecstasy et décadence. Une dépression palpable, qui spirituellement (plus que musicalement) n’a d’égale que le The Idiot d’Iggy Pop, notamment pour ces relents d’odeurs moisies et dont on n’arrive pas à débarrasser ses vêtements.
Ce Night People d’EDM tranche d’abord par ses ambiances moins vaporeuses que d’accoutumée. Serait-ce en réaction à son prédécesseur, le presque enjoué The Treatment ? Il est fort probable. Les guitares, d’habitude si chirurgicales, raclent la production, imprègnent les compositions d’une rugosité frontale. Conséquence inédite de cette virée nocturne pour la formation de Bloogminton, une poignée de morceaux réglés sur un tempo de batterie moite, tendant vers le funk blanc de A Certain Ratio : cherchez les fréquences factory sur « Stereo / Video », « Hold Me Down », voire « Open Bar », qui pousse pourtant le vice jusqu’à une intrusion gospel. Une pédale wah s’invite même sur « Terrestrial Rooms », bien que vite contaminée par la pâleur des synthés d’ascendance « cold wave ». Brrr… Les archivistes du label de Tony Wilson auront d’ailleurs remarqué l’hommage à l’album Always Now de SECTION 25 sur la couverture.
A mi-parcours, EDM réactive son post-rock en « slow motion » qu’il maîtrise à la perfection depuis l’insubmersible Offshore (2006). Songwriter ténébreux et affecté, Daniel Burton est aussi l’un des plus talentueux metteurs en son de sa génération – on parle ici du calibre d’un Jeff Martin d’ Idaho et d’Alan Sparhawk de Low. Il le prouve encore une fois sur cet opus finalement varié. Notamment sur le beau duo hanté avec la fidèle Kate Long, « Bright Angels », et l’épique « Milking the Moon » (8 min 30 !) dont les développements fantomatiques finaux nous mettent en proie à un vertige abyssal.
Enfin apparaît l’aurore sur un atterrissage en douceur, « Turncoats », épilogue léger avec ses arpèges beaux comme une chanson du Velvet Underground. La grande classe, une fois de plus.
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EDM (Early Day Miners) – « Bright Angels »
edm – night people – stereo video (western vinyl) by pdis_inpartmaint