Seconde escapade du talentueux folksinger Américain, dans une veine environnementale Malickéenne.
Il est frappant de constater combien, avec le minimum syndical (sa voix et sa guitare), John Shannon est capable de nous transporter très haut, vers des sphères boisées transcendantales. Un univers singulier et succinct, qui pourrait pourtant facilement se noyer dans la banalité, compte-tenu de l’abondance de troubadours, d’hier et d’aujourd’hui, œuvrant dans ce style. John Shannon, lui, se détache aisément du périphérique encombré par son identité « spirituelle ». American Mystic, premier album paru voilà trois ans, met en lumière ce jeune-homme de 28 ans originaire de Pittsburgh, guitariste, chanteur et auteur/compositeur. Sur son baptême du feu épuré à l’essentiel, sa nature mystique revendiquée y épousait celle seventies suprême d’un Nick Drake, Joni Mitchell et d’un John Martyn.
Sur ce deuxième album, l’environnement est toujours au centre des obsessions de John Shannon. Sa voix fluette en sourdine en selle sur ses arpèges méditatifs, galopent vers des paysages métaphysiques. Ainsi s’embrase la folk de John Shannon, bouleversée par la pluie, imperméable aux modes. Au contact de ses cordes, les mains effleurant les immenses champs de blés dans Les moissons du ciel de Terrence Malick nous viennent à l’esprit…
Enregistré à Paris puis à New York, Songs of the Desert River étoffe les fondations « contemplatives » du premier album grâce à l’ensemble de musiciens Wings of Sound (hommage au groupe de Macca ?), notamment la fidèle Caroline McMahon aux chœurs et Dan Brantigan au bugle, cette trompette au son étouffé si particulier.
En voyageur solitaire, John Shannon refusait sur son premier album d’alourdir sa musique aérienne d’une imposante section rythmique. Toujours est-il qu’un batteur a beau être crédité sur Songs of The Desert River, on ne l’entend toujours pas…
L’attention est plutôt portée sur les arrangements, d’une finesse incomparable, entraînés par le courant de mélodies elliptiques – « Down Breaks », qui tutoie aisément Elliott Smith, ou encore le caressant “Wave to the river” en duo intimiste avec Caroline McMahon… Il y a chez John Shannon une notion de l’espace, du temps suspendu, fondamentalement associée à Dame Nature l’éternelle. La beauté poétique du déchaînement des éléments s’illustre merveilleusement sur le somptueux « Hurricane » ou encore « New Winter » », folk song urbaine ouaté d’une neige silencieuse…
A l’instar des grands rénovateurs de la folk, John Shannon est un homme de goût qui ne se cantonne pas à un style unique. Le disque est d’ailleurs dédicacé à feu le producteur iconoclaste Hector Zazou, à qui l’on doit quelques unes des plus passionnantes œuvres de Ryuichi Sakamoto, Björk, Laurie Anderson, Brian Eno… Songs of The Desert River atteste que la source est loin de se tarir. Nous ne sommes encore qu’à la tête du delta d’une carrière très prometteuse.
John Shannon – « Hurricane » (Official Music Video)