L’album de la « Gangsta Nancy Sinatra », trop attendu, fait parler la poudre… aux yeux…


Elle avait troublé le cours de l’été dernier par son filet de voix narcotique, venu de nulle part, et le biais d’un vidéoclip ayant affolé tous les compteurs. Puis une première venue parisienne au Nouveau Casino, aux prémices de l’hiver, avait initié une litanie de promesses. Ce soir-là, face à la porte désespérément close, affublée d’un écriteau « complet », on avait même tenté de creuser un tunnel, depuis le café attenant, pour parvenir jusqu’à la scène. Vint ensuite une succession d’élégantes performances télévisuelles, savamment distillées au compte-goutte, jusque sur les bords de la piscine du Château Marmont, dont elle réveilla les illustres morts.

Ce Born To Die était attendu au tournant, précédé par trois extraits séduisants et une légende dont on parvient encore mal à dessiner les exacts contours. La créature, au teint de porcelaine et à la moue elvisienne, avait quitté les vertes vallées et sommets enneigés de ses Adironracks natales afin de goûter aux fruits vénéneux de la Grande Pomme. De premiers essais discographiques passés à la trappe en soirées open mic aux confins de boroughs reculés, Elizabeth « Lizzy » Grant se gravait sur acétate les sillons d’un destin digne de Causette. Restait ce nom de scène, Lana Del Rey, hybride entre Lana Turner, égérie fatale de la Metro Goldwyn Mayer, et la Chevrolet Delray, entrée de gamme des chimères automobiles américaines des sixties. Soit l’allégorie d’un mythe… au rabais ?

Effort sincère d’une « Coney Island Queen » qui n’a plus rien à perdre ou… coup marketing 2.0 fomenté pour sauver l’industrie du disque ? Quelle que soit la réponse, on se résout à admettre, en se mordant la lèvre, que ce « Né pour Mourir » semble malheureusement… mort-né. Les quelques pépites semées depuis six mois auguraient d’une collection de complaintes majestueuses et ethérées, aux tessitures lynchéennes. « Born to Die », « Blue Jeans » et « Video Games » sont bien ici présentes et le charme continue d’opérer, malgré les écoutes répétées susceptibles de les délaver ou les accusations de plagiat, pour le dernier.

Ces chansons occupent, en tête de gondole, trois des quatre premières pistes de l’album et tel ordonnancement ne peut qu’inspirer méfiance. Elles préparent mal, en effet, la violente douche froide qui s’abat à l’écoute de la suite, entre sucreries inoffensives vaguement hip hop et mauvais ersatz sans saveur de « Video Games ». Samples omniprésents, beats martiaux, cordes dans tous les coins, la galette se révèle bouffie d’une production beaucoup trop lourde pour les frêles épaules de Lana, et plus légitime dans les bacs usuellement réservés à Missy Elliott, Nicki Minaj voire Jessie J. Plus « Gossip Girl » que « Twin Peaks », en somme.

Le constat est d’autant plus décevant que la copine de Woodkid dispose pourtant d’une plume bien trempée, obnubilée par l’amour et la mort, habilement aiguisée pour les formules-choc («It was like James Dean, for sure / You so fresh to death & sick as ca-cancer», dans « Blue Jeans »). On suivrait bien, entre New York et Las Vegas, ses virées à toute vitesse, parsemées de petites frappes, d’amours contrariées et de rencontres impromptues, presque du troisième type. Mais une mise en musique hors de propos en dissuade et laisse, à la place, le désagréable et archi-chimique goût du Mountain Dew vanté par la dame.

On ne comprenait pas Lana quand elle s’auto-proclamait, il y a quelques mois, « Gangsta Nancy Sinatra ». Sur cet album, les pistolets sont en plastique et n’ont pas de balle. Quant à la complice de Lee Hazlewood et fille de la Voix, laissons-là en dehors de tout ça…

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