Pétri de silences hantés, le cinquième opus du folksinger Nick Talbot prêche froideur minimaliste et boiserie intimiste. Nous sommes tout ouïe.


Le bristolien Nick Talbot a finalement décidé de brûler ses derniers fantômes à la lumière du jour. Cinq années nous séparent du vertigineux The Western Lands. Cette longue absence mérite explication. La plupart des morceaux de Gravenhurst étaient jusqu’ici d’anciens titres composés à l’époque de son premier groupe Assembly Communication. Ayant épuisé ses ressources après The Western Lands, Nick Talbot s’est retrouvé pour la première fois à court de chansons. Il a fallu se remettre à produire, et le processus fut douloureux. Mais telle est la clé de toute libération artistique. En ne se reposant plus sur ses vieux fantômes d’écriture, le songwriter de Bristol a retrouvé le goût du danger de l’expérimentation dans ses folksongs en lévitation. C’est donc un Gravenhurst 100% 2012 qui nous est donné d’entendre sur The Ghost in Daylight.

Conséquence directe, The Ghost in Daylight est un ouvrage solitaire. C’est un disque de chambre, au sens propre comme au figuré. Les guitares post-rock étaient visiblement trop grosses et bruyantes pour rentrer dans cette petite pièce de convalescence exigüe. Le chauffage devait manquer aussi, si l’on se fie à la froideur des claviers qui la font raisonner d’un vide glacial. Fidèle compagne un peu délaissée sur The Western Lands, la guitare espagnole est redevenue une précieuse confidente – notamment sur la beauté nue et bouleversante de « In Miniature », « The Ghost Of Saint-Paul » et « Three Fires » où la figure tutélaire de Nick Drake rôde, dernier spectre autorisé à hanter les lieux.

La notion de temps, surtout, est restée sur le palier, des nappes éthérées se chargeant notamment d’accentuer cette impression de No Man’s Land. Le départ en 2008 de Dave Collingwood, batteur et vieux collaborateur, a certainement son incidence dans ces faux silences. Ainsi, mellotron, orgue optigan et synthétiseurs anciens s’immiscent dans les vieux meubles folk, non sans une certaine audace. Sous cette mise en abyme atmosphérique, les compositions se distendent, franchissent une ligne imperméable aux saisons et les guerres bruyantes. Le magnifique « Fitzrovia » bravant le néant, s’étire sur huit minutes, ralentit le pouls jusqu’à disparaitre.

Une lenteur latente qui dévoile peu à peu ses courbes, son charme discret. Même dans ses errances atmosphériques, quelques magnifiques rayons mélodiques persistent. Le quasi ambient « Islands », entièrement électronique avec son motif de basse minimaliste qui se répète, est l’une des plus belles surprises de ce cinquième opus. Enfin, pour les amateurs de pop léchée, « The Prize » est un petit miracle de volupté pop sur lit de cordes, précieuse comme une chanson de The Catchers. Plus que jamais, la voix timide et purificatrice de Nick Talbot, contraste avec les climats intrigants qui le cernent. The Ghost in Daylight est une œuvre qui s’inscrit dans le temps, à l’ondoyance inextinguible.

Gravenhurst – « The Prize »