La tribu mouvante pilotée par l’hyperactif Mickaël Mottet publie ce printemps un nouveau disque hardi et foisonnant. Now est déjà le quatrième opus d’un groupe unique dans le paysage rock français.


Enfourchant la pop, le folk, le jazz et la musique expérimentale, le collectif de Saint-Étienne roule avec tranquillité et régularité depuis plus de 10 ans. Sa tête pensante, Angil, abandonne ses prestigieux invités d’hier – Laetitia Sadier, Françoiz Breut, BR OAD WAY , etc. – et se recentre ici sur la dizaine de musiciens que constituent les Hiddentracks. Les guitares et la batterie sont toujours aussi cavaleuses, et les arrangements des morceaux cachés délicats et baroques. Clarinette, hautbois, saxophone, violon, percussions, lame sonore et contrebasse jouent à égalité dans un disque fourmillant d’idées et sons.

Now s’ouvre sur une « Opening Scene » pleine de fougue et d’idéalisme pop. Les guitares y sont obsédantes mais n’écrasent jamais le reste. ‘When He Says Your Name » temporise le propos avec sa cadence alourdie, sa mélodie déchirante et ses cuivres caressants. On retrouve cette même langueur sur le jazzy « This Time » ou sur le pénétrant « I Have Stopped Wondering » avec son subtil chœur féminin. Le collectif stéphanois exprime aussi ses penchants répétitifs sur les tournoyants « To Progress » et « Know-Hows ». Admirateurs d’un certain rock allemand, les Hiddentracks y frôlent le krautrock et l’expérimental. Sur Trish, une simple contrebasse et la voix douce de Mickaeël Mottet livrent un touchant hommage – serait-ce en direction de la défunte chanteuse de Broadcast Trish Keenan ?

Contrairement à son album précédent, Angil ne s’entoure plus de chanteurs prestigieux et assume quasiment tout seul l’habillage vocal du disque. Sa voix plutôt fluette scande des textes à la fois poétiques et politiques, proche du spoken word voire du hip hop (« Know-hows » et « Do »). Multipliant les références à la culture occidentale (Otis, Elvis, Nancy & Lee…), Mickaël Mottet questionne l’évolution de notre civilisation, et témoigne de son goût pour le surréalisme et l’écriture. Son accent anglais et sa diction sont toujours remarquables.

Formation inventive, Angil and the Hiddentracks façonne une musique en apparence limpide mais complexe où les idiomes et références se croisent et trouvent leur place sans jamais gêner les autres. Souvent décrits un comme croisement entre Pavement et Robert Wyatt, les stéphanois font aussi penser à d’autres francs-tireurs comme Graham Coxon, John Vanderslice, voire The Ex. La production soignée de Now souffre tout de même d’un défaut un peu trop répandu chez nombre de formations hexagonales : voix très en avant, section rythmique malingre, son trop souvent faiblard au regard de compositions si libres.

À la fois cérébrale et émotionnelle, violente dans le fonds et lumineuse dans la forme, l’œuvre des Morceaux cachés trouvera certainement échos auprès d’oreilles sensibles et affranchies. Malgré une production chétive, ce Now fait définitivement planer Angil and the Hiddentracks au-dessus de la mêlée indie-rock française.