Trois ans après, le survitaminé Manners, le second opus de Passion Pit se contemple, les yeux pointés vers le ciel (rose).


Qu’on le veuille ou non, il persiste toujours un doute à se lancer dans une chronique d’un album de Passion Pit. On a bien conscience que la voix surgonflée à l’hélium de Michael Angelakos ne plait pas à tout le monde. Nous-même, selon les humeurs de la journée, nous émettons quelques doutes sur la portée « crédible » de son organe suraïgue. Mais force est d’admettre que Gossamer colonise la platine depuis suffisamment longtemps (un mois et demi précisément) pour s’en remettre donc au plus simple des constats : cette galette résiste mieux au temps que d’autres prétendument inattaquables (The XX, par exemple).

On comprend mieux pourquoi son multi-instrumentiste en chef Michael Angelakos a été contraint d’annuler une partie de la tournée de cet automne pour cause de « surmenage » et de sa santé mentale. Ouvrez le livret, son nom figure sur tous les crédits : composition, vocaux, instruments, programmations… A peine concède-t-il de partager la console avec Chris Zane, metteur en son prodigieux derrière les albums de The Walkmen, Asobi Seksu, Les Savy Fav…. Loin de nous l’envie d’insinuer que certains signes psychologiques pourraient faire passer Michael Angelakos pour le Brian Wilson des années 2000, mais son obsession maladive de la mélodie ultra-léchée est palpable sur tout ce second album. En fin de chaîne de son spectaculaire processus de création, Passion Pit érige une fantaisie singulièrement sophistiquée.

Sur le plan de la production, un monde nous sépare effectivement du bricolé Chunk of Change EP paru en 2007. Mais il faut dire que le premier album, Manners (2009) avait déjà par la suite placé la barre très haut. Son digne successeur est un tour de force en termes d’épaisseur sonore, un mille-feuille synthético/mélodique que l’on a pas fini d’effeuiller. Chacune des douze compositions méritent de s’assoir pour écouter attentivement tous les agissements qui s’y trament. Cet electro-pop aux faux semblants candides, boisson aux vertus énergisantes, fourmille d’idées proto-ludiques.

On tient particulièrement à remercier Michael Angelakos pour ne pas nous agresser l’oreille à coup de synthé bulldozzer du type M83. Gossamer contient son lot de mélodies ultra compétitives, mais le beat et les sons ne cherchent pas à nous la jouer « Bigger than life » à chaque morceau. Sur un double album, cela devient éreintant à la fin, suivez le regard… Passion Pit a bien saisi que le format pop requiert d’être court et concis, instantané comme un rayon de soleil qui vous traverse. A commencer par « Take a Walk », dont le refrain est une petite bombe à retardement. On y en entend même parler de socialistes, de communistes et du déclin économique américain, c’est dire si on devrait réviser le degré d’innocence de cette musique. Même si au finale, c’est le groove « tropico coco » qui l’emporte sur « Carried Away » ou encore le sensuel « Constant Conversations ». Voilà tout le paradoxe de cette musique diablement additive, incroyablement innocente par moment, mais qui bien sûr s’avère plus complexe – le lumineux « I’ll Be Alright » et son refrain à double-visage, ébréché au finale ; la propension atmosphérique de  » It’s Not My Fault I’m Happy », qui surprend par sa gravité. Dans sa catégorie, Gossamer jette le gant au Wolfgang Amadeus de Phoenix. Passion Pit, cette petite faiblesse qui nous perdra.

Passion Pit – « Take A Walk »