Certains artistes, a priori totalement destinés à nous faire chavirer, échappent, sans que nous ne sachions vraiment pourquoi, à notre vigilance…
Certains artistes, a priori totalement destinés à nous faire chavirer, échappent, sans que nous ne sachions vraiment pourquoi, à notre vigilance. Il suffit inversement de temps à autres d’une seule chanson pour nous rendre l’un d’eux soudainement indispensable. La chanson en question – et quelle chanson ! – c’est « Saddest Song », deuxième plage de ce nouvel (et déjà sixième) album de l’irlandais Adrian Crowley. Une merveilleuse complainte folk sertie de cordes, que l’on jurerait arrangées par le grand Robert Kirby (collaborateur mythique de Nick Drake). Et puis il y a bien sûr ce texte bouleversant et définitif, la mélancolie poisseuse de toute une vie condensée en une simple chanson. « And I tried to write the saddest song in the world… » : voilà donc le type d’exercice réjouissant auquel notre barde irlandais se prête en période de composition. Nous ne chercherons pas à savoir ce qui aura inspiré ces instants de beautés inondés de larmes. Car sur ce titre déjà promis à la postérité comme sur le reste de ce très beau disque d’une tristesse toute automnale, Crowley touche en plein coeur. Qu’il se rêve en version champêtre de Richard Hawley sur une « Fortune Teller Song » crépusculaire, ou en cousin irlandais de Bill Callahan sur la frissonnante « Red River Maples », le songwriter de Galway semble habité par une sorte de grâce contemplative dans laquelle nous n’auront désormais cesse de replonger.
« The Saddest Song », par Adrian Crowley