Six ans après avoir pris la clé des champs de coton, le bluesman caractériel Don Cavalli nous rapporte un crossroads de la Great Black Music, énergique et revigorant.


Du Val-de-Marne jusqu’au blues du delta, il n’y a plus de frontières. C’est en tout cas la magistrale leçon que nous avons appris de Cryland, premier album de Don Cavalli. Sur cette galette en forme d’ovni tombé du ciel en 2007, son géniteur avait tout compris : une voix buriné proférant un blues puisé à la source de Skip James et Son House, sur un son crépitant qu’on aurait juré sortie tout droit du four du label Fat Possum. Le choc n’en était que plus grand lorsque, après vérification, le guitariste était géolocalisé, replié en périphérie parisienne. Avant ce providentiel Cryland, le parisien inconnu, en prodigieux autodidacte, avait pourtant déjà bien mené sa barque, avec à son actif quelques disques de rock fifties aux pochettes pur jus.

Et nous n’étions pas le seul tombé sous le charme de Cryland. La pluie d’éloges critiques résonna jusqu’aux oreilles du Black Keys en chef Dan Auerbach, qui l’invita à assurer leur première partie en terre gauloise. Hélas, cette renommée n’a semble-t-il pas suffit à nous le retenir très longtemps. S’en suit un silence radio de six ans. Don Cavalli s’en retourna dans son bayou de banlieue renouer avec son activité professionnelle plus seine de jardinier – On raconte aussi qu’il aurait été croque-mort dans une autre vie…
Mais voilà que la fièvre lui reprend enfin sur son bien nommé second album, Temperamental, toujours sur le label A Rag. Car du tempérament, il en faut assurément pour mener à bien les surprenantes excursions que nous réserve cet opus décomplexé. Comme une furieuse envie d’élargir son spectre de la gamme blues mineur, Don Cavalli s’en est allé couvrir le vaste territoire de la « Great Black Music » (soul, gospel, hip hop…), et même plus loin vers d’autres continents exotiques pour le moins inattendus (voyez plus bas).
Cela dit, avant de vous embarquer dans cette expédition sonore, insistons sur un point : Temperamental est avant tout un disque qui suinte le groove et donne envie de remuer le popotin. Quelque que soit la variété des styles embrassés – et ils sont nombreux – la section rythmique y tient un rôle salutaire de puissant pulsatif.

Que ce soit dans les registres Americana, Rockabilly ou Croonerie, le caméléon demeure parfaitement à l’aise. On peut l’affirmer sans détour, sa voix patinée de soul man a pour unique rival Paul Weller sur le vieux continent. La Cry-baby est là, dès la première note de la chanson-titre qui ouvre l’album pour établir un pont avec Cryland avant de bifurquer vers d’autres horizons sonores. Le jardinier nous invite alors dans son « Garden of Love », avec un thème de guitare surf qui a le don de nous planter un décor en plein désert Morriconien. On enchaîne là-dessus avec l’épure contagieuse de « Me and My Baby » qui n’aurait pas dépareillé sur son opus précédent. Mais rien ne nous prépare à l’excentricité de « Feel Not Welcome » un hybride blues/sitar/hip hop/gospel quasi indescriptible, qui sans trop savoir comment, retombe sur ses pattes. Il persiste et signe sur le duo franco-chinois au banjo « The Greatest » avec la séduisante Zhan Xiao Li. On n’avait pas osé un tel shaker asiatico-trippant depuis Fat Boy Slim ! Du coup, l’autre duo avec Rosemary Standley, la chanteuse de Moriarty, sur la ballade country « Say Little Girl », parait presque fade. Mais c’est aussi un peu le risque lorsqu’on s’engage dans de telles montagnes russes. Pour son grand retour, Don Cavalli démontre qu’il peut pousser très loin son melting pot d’influences. Original tout en restant racé. Pari réussi.

Don Cavalli sera en concert le 25 février à la Maroquinerie, Paris , dans le cadre des Nuits de l’alligator. Et en tournée à travers la France.


Don Cavalli – The Greatest (feat. Zhan Xiao Li) par aragrecords



DON CAVALLI – Temperamental (en Mouv’ Session) par LeMouv