Thom Yorke revient avec un casting de pointures pour réaliser un nouveau fantasme synthétique. Fondamental.
En terme de communication, Atoms for Peace est d’abord l’association de deux artistes aussi renommés qu’aux trajectoires opposées: Alors que Thom York tente, d’album en album, de réduire son auditoire aux plus élitistes de ses fans (à l’image de sa copine Bjork ces dernières années), Flea et les Red Hot Chili Peppers semblent vouloir toujours plus se rapprocher du parfait groupe MTV (ou Walt disney, c’est selon), avec des albums de plus en plus mainstream (quelques projets à part, tel le bancal mais osé Another Honest Jon’s Chop Up avec Damon Albarn). Ca, c’est pour la communication. Le fan averti retiendra surtout l’association avec Nigel Godrich, 6ème Radiohead, ajouté de Joey Waronker (REM) à la batterie. Un percussionniste brésilien, Mauro Refosco complète le line up.
Disons le d’emblée: la contribution du bassiste poivré reste quasi indécelable sur la totalité de l’album, qui se rapproche beaucoup plus du projet solo de Thom York, Eraser (c’est pour jouer celui ci sur scène que le groupe à été formé, à l’origine), voire du dernier Radiohead en date, The King Of Limbs. Et pour cause, si le groupe s’est retrouvé au complet à Los Angeles, ce n’était que pour enregistrer de longues plages musicales qui ne serviront que de matière première à Yorke et son producteur historique pour retravailler longuement chaque piste sur ordinateur, lui conférant sans retenue cette texture synthétique qui lui est si chère, lui qui se rêve ces dernières années en Dj Afro-beat, influences Femi Kuti.
Le résultat ? Amok est un album exigeant, sur lequel les machines semblent dévorer les matières organiques initiales, une juste continuité des précédents projets de son leader en plus apaisé, lumineux… serait-ce la contribution du soleil de L.A? « Before your very eyes » lance le bal, percussions et guitare sont là, pas pour longtemps. « Default », probable tube, les enterrant sous une mélodie lancinante mêlée à une démonstration de haute volée de beats saccadés. On croit entendre « Lotus Flower », mais elle ne vient pas. La vidéo postée sur le net confirme ce rapprochement. Si l’humeur se dégrade légèrement sur « Ingenue » et « Unless », « Dropped » apporte un peu de lumière. La voix est toujours là. Plaintive, sussurée, virevoltante… elle reste l’organe naturel posée sur cet ouvrage synthétique, est en apparaît encore plus touchante (« Reverse Running », sorte d’echo bouleversant à « Jigsaw Falling into place »). Amok clotûre l’expérience, ambiance redescente, retour à la réalité.
Reste l’impression que Yorke a toujours cette volonté de créer (qui peut remettre en cause son apport sur les musiciens contemporains et à venir?) remettant à plat les techniques traditionnelles d’enregistrement pour apporter quelque chose de nouveau. Et arrive finalement à un résultat proche de Eraser. Il a tout de même tiré le curseur de l’électro-pop vers l’art moderne: le musicos du coin aurait sorti le même album, nous serions-nous tous agenouillés ? Aucune idée. Peu importe. Amok reste un chef d’oeuvre, car il se bonifie avec les écoutes, s’apprivoise, et semble un investissement solide. Il nous survivra certainement, quelque part. Pour aujourd’hui, seul le plaisir compte.