Depuis sa renaissance dans les années 2000, l’institution arty-punk Wire aligne les disques avec ponctualité et classe. Et l’inspiration est aussi au rendez-vous.


Depuis sa renaissance dans les années 2000, l’institution arty-punk Wire aligne les disques avec ponctualité et classe. Et la qualité suit. On serait même tenté de dire que chaque album à partir de Send – leur très enlevé retour discographique en 2003 – a réussi le pari d’être aussi intense que son prédécesseur. Cette fois, le « contexte » studio – on parlera plutôt de « concept » tant Wire est coutumier de la chose – en studios est un peu différent. Le successeur de l’excellent Red Barket Tree (2011) a été constitué à partir de compositions et d’idées inabouties datant de 1979 et 1980, et jusqu’ici restées dans les cartons ou exclusivement développées en concert. Certaines versions figurent d’ailleurs sur le très rare live Document and Eyewitness paru en 1981. Ce qui pourrait être considéré chez d’autres vétérans comme une solution alternative pour palier au manque d’inspiration, devient tout au contraire chez Wire un bouillonnant laboratoire créatif, un vaste terrain de jeu post-punk expérimental. Car au fil de sa longue carrière, ici avec son 13e opus, Wire n’a cessé de vouloir se remettre en question, briser les formats. L’occasion était trop belle pour le trio historique Colin Newman, Graham Lewis et Robert Grey, ainsi que la jeune recrue, le guitariste Matthew Simms, de traduire une nouvelle version de son passé, établir des passerelles entre sa première période et celle trente ans plus tard. Et voir ce qui se produit. Wire sonne furieusement actuel, et fait plus preuve d’audace sur un seul de ses morceaux que la plupart des jeunes groupes de rock anglais sur un album entier. L’écoute de ses treize titres éclectiques de Change Becomes Us donnent l’impression d’une surprise permanente, libérant des accès de violence inouïs, parfois absurdes, ou à l’inverse esquissant une mélancolie pop moderniste et autres séquences atmosphériques couchées sur une production délibérément clinique. Un détonant jeu de piste même pour les oreilles averties. Tel l’intro de « Adore your Island », vibrante comme un riff tournoyant de Peter Townsend, déviant brusquement de son cheminement mélodique pour tout détruire dans un défouloir post-punk aliénant, et enfin mieux se reconstruire. Si le groupe de Colin Newman se borne à refuser le formatage single, cela ne veut pas dire qu’il dénigre la pop pour autant. En atteste la captivante mélodie planante de « Re-invent Your Second Wheel”. Déjouant brillamment tous pronostics, Change Become Us est le miroir d’un groupe définitivement hors-norme, une magnifique énigme imperméable au temps qui passe. Avec Wire, le changement, c’est maintenant. Promesse tenue.

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