Victimes consentantes que nous sommes face au flux ininterrompu de l’actualité musicale déferlant chaque semaine, ce ne sont pourtant pas forcément les disques les plus innovants qui nous touchent le plus.
Victimes consentantes que nous sommes face au flux ininterrompu de l’actualité musicale déferlant chaque semaine, ce ne sont pourtant pas forcément les disques les plus innovants qui nous touchent le plus. C’est le cas de Dormarion, galette estampillée indie rock 90’s. Mais pour peu que l’on consent à pencher nos esgourdes dessus, sa dépendance est quasi assurée. Seul cerveau derrière ce faux groupe, le multi-instrumentiste Michael Benjamin Lerner – 26 ans, originaire de Seattle et lunettes geek bien scotchées sur le nez – ne prétend pas manipuler les atomes tel Thom Yorke, ni même avoir l’infime délicatesse harmonique d’un Real Estate. Par contre, il est un mélodiste redoutable, chantre du refrain instantané qui fait quasiment mouche à chaque fois. Pour vous faire le tableau de Telekinesis, prenez la power pop de Weezer période bleue, et agrémentez ses mélodiques de quelques synthés aux couleurs bigarrées façon Grandaddy. Et voilà le résultat. La recette est connue depuis Mathusalem, mais le songwriting ultra concis de Michael Benjamin Lerner fait la différence. Ces douze titres démontrent que le garçon a pas mal de ressources – de la pop synthé hanté de « Ghost and Creatures » à la parenthèse acoustique solo « Symphonie », jusqu’à l’humeur solonnel « Island 4 ». Pour son troisième album, le protégé de Chris Walla (le Death Cab For Cutie a produit ses deux opus précédents) s’est de plus adjoint les services du batteur de Spoon, Jim Eno, dont la frappe nerveuse et sèche n’est pas vraiment à prendre au dos de la cuillère (hum, hum…). L’album a résolument tiré profit de cette recrue exceptionnelle. Jugez sur pièce avec en première ligne, « Power Lines » qui démarre folk tout en douceur avant de faire exploser son refrain à grand coup de riffs défouloir, et emporter la mise les doigts dans le nez. Mention spéciale aussi pour « Dark To Light », pure moment d’adrénaline punk que l’on aurait été heureux de présenter à feu The Replacements. Pourtant, en creux de ces excès de décibels, la voix frêle, presque chevrotante du télékinésiste nous évoque le Julien Pras de la période Calc. Durera le temps que ça durera, mais pour l’heure, la pop irrésistible de Telekinesis a le don de nous transporter.
Telekinesis – Ghosts and Creatures from Merge Records on Vimeo.