Ne surtout pas lutter contre les mélodies entêtantes de ce trio et sa chouette folk/rock alternative, réminiscence du meilleur des années 90.


Voilà deux ans, nous étions littéralement tombés sous le charme des Auvergnats Garciaphone sur la foi de leur mini album Divisadora, déniché par le pointu label du cru, Kütu Folk. Pour leur premier long-format, intitulé Constancia, on les retrouve plus à l’ouest : désormais signés chez Talitres, maison indépendante bordelaise qu’on ne vous présente plus. Mais venons-en à la musique. Garciaphone est au départ le projet solo d’Oliviez Perez, jadis batteur dans diverses formations qui s’est révélé – en marge des voyages et tournées – un talent habile de songwriter. Démarré en solitaire en 2007, Garciaphone trace depuis sa route en trio, avec le renfort de Matthieu Lopez (basse et guitare) et Raphaël Brou (batterie).

Outre un tropisme évident pour les titres en langue latine, on perçoit avant tout chez Oliviez Perez une éducation musicale ayant baigné chez les maîtres artisans du rock alternatif 90’s. Sa folk-rock débraillée – mais avec style – se mesure particulièrement à l’acuité lo-fi de Swell et les envolées aériennes du père Grandaddy (et ce n’est pas Talitres qui nous contredira, en supporter reconnu de David Freel). Au-delà des pionniers d’Amérique, Garciaphone établit aussi, nous semble-t-il, une liaison outre-manche avec les premiers albums de Gomez, surtout à l’écoute du troublant « Play Messiah ». Depuis donc l’avènement des Strokes voilà une décennie, on pensait que le mode d’emploi de ce genre de chansons avait été égaré par les nouvelles générations. Ces Auvergnats décomplexés nous rassurent. Voilà de l’orfèvrerie cheap, touchante et assumée, amoureusement ciselée à partir d’éléments d’une boite Meccano, si l’on oserait dire. Les harmonies vocales doucereuses se posent sur des mélodies boisées tantôt rêveuses, tantôt galvanisées par le délicieux bourdon des guitares saturées et une section rythmique qui démarre au quart de tour – l’imparable « Tourism », avec un gros clin d’Å“il à la guitare vrillée de Joey Santiago.

Au-delà du disque de « fan pour les fans », Constancia évite le tiède en faisant preuve d’un caractère affirmé. L’album a été enregistré en décembre dernier par Peter Deimel dans son studio champêtre dénommé Black Box (dEUS, Anna Calvi…) et situé non loin d’Angers. Les sessions dans cette réputée ferme-studio ont révélé les jolies aspérités des compositions, la mise en son de Deimel tirant définitivement le groupe vers le haut. « Bad Shepherd » notamment, qui ouvrait le Ep précédent, ici retravaillé et rallongé de quatre petites secondes, avec un son un peu plus ample, mieux équilibré. La version du EP avait déjà son charme à vrai dire, mais il aurait été dommage de se priver d’un tel morceau pour l’épreuve du long-format. « Tornadoes », a aussi été récupéré et sa boite à rythme initiale sauvée. On ne saurait conclure sans insister sur l’aérien « Forgetter », à écouter en regardant le beau panorama au-dessus des monts d’Auvergne offert par le visuel de la pochette. Et de nous évoquer un vieux souvenir agréable, un autre disque qui nous a transporté dans les nuages voilà dix ans, le And the surrounding Mountains de Radar Bros. On est conquis.