Confirmation éclatante pour le second album de Little Kid, génie folk/rock qui ne demande qu’à s’épanouir au-delà de la sphère indie-rock où celui-ci est pour le moment confiné.
N’y allons pas par quatre chemins : un des trois meilleurs albums de l’année vient de sortir le 24 mai dernier via Bandcamp, bien que pour l’instant tout le monde ou presque a l’air de s’en foutre. Certains ont alerté sur différents blogs, fait du forcing sur Facebook ou quelques forums, mis la puce à l’oreille de quelques auditeurs mais, avouons le, avec un nom aussi passe-partout et en pleine post-hype descente en rappel sans parachute Woodkidienne, le River of Blood de Little Kid n’arrive pas au meilleur moment.
D’autant plus que si l’on cherche des renseignements sur ce garçon, hormis la photo d’un étudiant binoclard façon Lou Barlow, culs-de-bouteille et écran large en guise de lunettes, couplé à une chemise à carreaux façon bûcheron canadien, on ne trouve strictement rien. Le Tumblr sur lequel on apprend que Little Kid s’appelle en fait Kenny Boothby, que celui-ci est pote avec le canadien Jessiah Devine de Wooly Mammoth (lequel joue sur cet album) et verse dans le catholicisme (toutes les paroles de River of Blood y font référence) ne nous apportant pas grand chose non plus. Tout comme sa discographie comprenant seulement un album, un EP et ce nouvel opus. Bien qu’une interview accordée au site God is in the TV nous éclairera toutefois un peu plus sur l’état d’esprit du garçon… Mais, à part ça, rien d’autre à se mettre sous la dent. Fort heureusement pour nous il nous reste sa musique. Little Kid, étant un peu le concentré des meilleurs albums de folk-rock-indé-lo-fi-pop de ces vingt dernières années. Les Auteurs de New Wave sans l’acidité de Haines (« Frozen cola », « Damascus »), le slowcore du premier Sophia débarrassé de cette infinie tristesse, Grandaddy qui fusionnerait avec Elliott Smith sur « Go to Hell », Swell sans brouillard, ou encore Bardo Pond sans drogues (« Slow Train »).
River of Blood c’est toutes ces influences regroupées en dix morceaux, mais c’est aussi et avant tout un album d’une beauté renversante. Une sorte de joyau brut capable de vous déchirer les tripes comme sur le titre « In Church », réminiscences du Spirituals de Spain. Dans un style ultra-balisé (le folk-rock lo-fi) et qui bénéficie d’un nombre de chef-d’Å“uvres incalculables, Little Kid parvient à tirer son épingle du jeu avec des morceaux slowcore tendus (« Lazarus Stone »), des arrangements surprenants et raffinés (à l’exemple de « Shirt » qui marie de façon impromptue la scie électrique et le hautbois) ou bien encore des mélodies imparables comme « Apostles »; une tuerie biberonnée à Bobb Trimble et Nada Surf. Cet album possède de plus une production subtile sachant manier la grâce, la légèreté et la pesanteur à l’exemple du final stoner de « Lazarus Stone ». Soit quarante minutes de grâce et d’excellence permanentes.
Cette excellence et cette grâce, on les pressentait sur le précédent album, Logic Songs, grand disque produit directement dans la cuisine sur un vieux magnétophone tout pourri. River of Blood le confirme : on assiste ici à l’épanouissement d‘un énorme talent. Kenny Boothby ayant su avec cet album élaguer ses chansons par rapport au précédent effort qui ressemblait d’avantage à une sorte de jet très lo-fi dans lequel il fallait encore trier les pépites. Avec River of Blood, l’artiste aura su également se resserrer par rapport à Logic Songs qui partait un peu dans tous les sens. Mais rien de tout cela ici. River of Blood étant un tout, une unité qui possède un son plus net, plus bref, en somme plus présentable.
Maintenant que Little Kid semble s’être débarrassé de tous ses oripeaux encombrants, il ne reste plus qu’à espérer qu’une maison de disques moins encline à faire la sourde oreille prendra Little Kid sous son aile et sortira ses disques de façon décente. C’est à dire sur support physique et à grande échelle. En attendant cet hypothétique miracle, vous pouvez toujours télécharger ce nouvel album sur leur Bandcamp où quelques cassettes restent encore en vente. Les cds étant déjà sold out et l’édition vinyle à venir.
Lire l’interview de Little Kid accordée au site God is in the TV