Sigur Rós signe son grand retour dans le monde du rock après l’interlude soporifique Valtari, et dévoile par là même son côté sombre.


Il est curieux de s’apercevoir que dès les premiers sons proposés par « Brennisteinn », une question qui ne s’était jusqu’alors jamais réellement posée en 7 albums studios et 16 ans de carrière tout de même, deviendrait presque une évidence: et si Sigur Rós était en fait un groupe de métal? Que les profanes qui lisent ces lignes se rassurent (bien qu’ils feraient mieux de corriger cette tare fissa), il ne s’agirait (si celà était avéré!) que d’un « esprit métal », froid, électrique, mais surtout empreint de cette noirceur moyennageuse-gothique dans laquelle baignaient tant de groupes nordiques et bruyants en diables dans les années 80-90. « Sigur Rós, un groupe de métal? ». Il convient de reposer la question, tant celà semble bien loin de cette musique pure, dense et, qu’on ne s’y trompe pas, terriblement optimiste avec laquelle nos quatre Islandais nous ont tirés tant de sourires de béatitudes pendant toutes ces années. Un style sophistiqué, unique, façonné puis martelé inlassablement sur chaque composition, qui évoquait tellement leur pays natal qu’aucune campagne de pub de l’Office De Tourisme Islandais n’aurait pu envoyer autant de jeunes ébahis visiter les plaines mystiques et rocheuses du Thingvellir pour, munis de leurs écouteurs, s’allonger sur l’herbe et contempler ce ciel magnifiquement étoilé. Et puis rentrer au chaud, parce que l’Islande, ça pèle. Quand même.

Mais il faut croire que cette fois ci, les Trolls répugnants ont étés légèrement favorisés aux dépends des Elfes angéliques. Le départ de Kjartan Sveinsson, multi-instrumentiste du groupe officiant principalement aux claviers depuis ses débuts, participa peut être de ce renouveau, qui paraissait indispensable après la chute vers le trop plein de plages contemplatives que nous avait proposé le beau (mais ennuyeux à la longue) Valtari, album qui devait sceller la douce descente vers la platitude totale dans laquelle le groupe s’était lancé. C’était Kveikur, ou la tétraplégie musicale.

Kveikur donc. Et fort heureusement. La pochette tranche déjà avec la thématique lumineuse et assez Instagram des derniers albums pour annoncer la couleur: noire. Et un peu blanche aussi. La foudre semble annoncer « Brennisteinn », lançant le tempo presque tribal qui accompagne la voix de Jónsi, plus torturée qu’à l’ordinaire, avant d’évoluer vers plus de clarté et aboutir sur une explosion mesurée. Les titres s’enchainent et respectent le cadre établit, au point que « Brenninsteinn », « Hrafntinna », « Ãsjaki » et « Stormur » pourraient ne faire qu’un. Une vieille habitude de ces créateurs d’ambiance pour lesquels l’ensemble compte plus que le titre. « Kveikur », placé vers le milieu de l’album, en est le climax en terme de noirceur, étouffant, et faisant la part belle à la section rythmique, implaccable à leurs débuts, et trop oubliée ces dernières années. Welcome back!

« Rafstraumur » renoue avec un peu d’optimisme, avant que « Bláþráður » ne lance un dernier assault remplissant tout l’espace sonore disponible pour ce qui sera l’album le plus torturé et paradoxalement le plus vivant de Sigur Rós. Le hautement recommandé DVD Heima, sur leur tournée en Islande débutait par une citation: « A painter paints pictures on canvas. But musicians paint their pictures on silence ». Le support est dense, certes. Mais on les laisserait bien le remplir autant qu’ils le veulent. Merci pour tout.