L’impressionnante mosaïque acid-rock d’une tribu hippie, d’où se reflète de saisissantes visions cauchemardesques. Produit magistralement par Randal Dunn.


Avec pas moins de huit musiciens constituant cette rosace psychédélique, Rose Windows (traduire les fameux vitraux d’église dans la langue de Molière), se pose comme la réponse de Seattle aux cousins Black Mountain de Vancouver, voire même au-delà, les sorciers nippons du rock cosmique, nous avons nommé Acid Mother Temple. Le collectif hippie emmené par le guitariste Chris Cheveyo, ex post-rocker reconverti dans le psyché-rock sombre, a en effet quelques sérieuses cartes à jouer. Quant à la véritable rose noire du collectif, elle se prénomme Rabia Shaheen Qazi : Mi ange mi démon, sa voix évoque tantôt celle aérienne de Grace Slick du Jefferson Airplaine, tantôt celle possédée d’Ozzy Osborne lorsque le démon électrique la reprend. Le label phare de la jadis cité grunge, Sub Pop, ne s’y est pas trompé en signant ce premier album interprété avec intensité et égard aux grande figures de l’acid-folk.

Détail non négligeable, ce baptême du feu est produit par Randall Dunn, sommité en matière de mise à plat de guitares pesante voire écrasante. A son actif, les droneurs en soutane de SunnO))), les non moins ténébreux pionniers de Hearth, ainsi que le trio débridé japonais Boris. Le sorcier. Dunn contribue ainsi activement à donner de l’épaisseur à cette mosaïque acidulée, tout en s’offrant par là même une petite bouffée d’air frais en exploitant en studio de nouveaux instruments médiévaux (flute, harpe, orgue, instruments à corde). La palette de l’octuor est de fait assez large : leurs incantations combinent l’esprit acid-folk sixties avec des motifs orientaux, notamment grâce à la précieuse contribution du violoniste Eyvind Kang, auteur des arrangements sur l’intégralité du disque. Sans oublier les harmonies vocales, tout droit héritées des rites des temps anciens. Tous ces éléments s’orchestrent comme par magie (noire donc) sur le grandiose « This Shroud », temple sonique érigée en Egypte antique, qui tente de réveiller la momie d’Isis à coup de chÅ“urs dignes de grands péplums. Près de dix minutes culminant dans une tornade électrique convoquant les riffs sombres et maléfiques du Sabbath Noir de Birmingham.

Si Rose Windows peut basculer dans les abysses du rock cosmique, leur musique n’en ai pas moins teinté par moments de candides éclaircies boisées – en témoigne les pures et élégiaques « Heavenly Days » et « Wartime Lovers » choisis comme singles, qui pour le coup marchent sur les plates-bandes fleuries des barbus Fleet Foxes, harmonies sophistiquées, flutes et lap steel à l’appui. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Même en ses moments d’accalmie et de mémoire des temps anciens, le maître de cérémonie, Chris Cheveyo considère que leur musique s’inspire du « blues de chaque jour que le capitalisme et ses décideurs, ainsi que la religion, nous ont apportés à tous. » The Sun Dog serait en quelque sorte un puissant élixir pour fuir la réalité.