A nouveau entouré du sextet post-rock Collections of Colonies of Bees, Justin Vernon élabore d’aventureuses frises mélodiques, où finit par s’immiscer le frisson finit.


Depuis le radical virage artistique accompli sur l’album éponyme Bon Iver en 2011, Justin Vernon, libéré de son image de folker reclus, accumule les aventures extra collectives avec un appétit insatiable. Rien que cette année, nous avons ainsi pu l’entendre sur le premier album de The Shouting Matches, trio blues folk-rock dans lequel il officie (gentiment anecdotique…) ; choriste de luxe sur le Yeezus de son copain Kanye West ; ou encore portant la casquette de producteur sur le nouvel album des Blind Boys of Alabama. Et comme si tout cela ne suffisait pas, le songwriter d’Eau Claire est aussi patron du label Chigliak Records, où il a pris notamment sous son aile la charmante folksinger Sarah Siskind. Dans ce contexte, l’ex-ermite a bel et bien effacé les mots « solitaire » et « répétition » de son vocabulaire, comme si son inspiration en dépendait.

Alors même que l’avenir de Bon Iver est incertain selon les propres dires de son géniteur, Volcano Choir à tout pour devenir ( en regard de la qualité de ce second album – sa nouvelle priorité. Unmap, le premier album de ce side project paru en 2009, fut loin d’avoir laissé le même impact fracassant que le désormais classique For Emma, Forever Ago (2007), le caractère délibérément expérimental de l’album le rangeant définitivement hors compétition : Justin Vernon se contentait de poser des chÅ“urs, parfois quelques textes, sur les musiques du collectif post rock Collections of Colonies of Bees. Manquaient encore quelques pièces pour saisir le sens de cet étrange puzzle, que Repave nous fournit enfin.

Sur ce second opus, le degré d’implication du songwriter avec le sextet de Milwaukee (Jon Mueller, Jim Schoenecker, Chris Rosenau, Daniel Spack, et Thomas Wincek) est d’un tout autre ordre. La différence est d’emblée perceptible dans l’effort porté sur le processus d’écriture. Le chant et les paroles occupent cette fois une place prépondérante, quand il s’agissait seulement sur Unmapped de poser quelques chÅ“urs sur des vignettes instrumentales. Aussi la dimension mélodique de certaines compositions s’en est accrue, que l’on peut constater dès « Tiderays », et sa folk panoramique qui défile en accéléré. Au départ, Repave déboussole un peu par la multitude d’idées et de styles agencés sur un même morceau : folktronica, afrobeat, post-rock, rock progressif… Il faut un peu de temps avant de digérer ces mille-feuilles, mais la voix vibrante de Justin Vernon parvient chaque fois à s’extirper de ce curieux dédale, et conserver toute son émotion (la tempête « Byegone », dont la superbe pochette de l’album illustre remarquablement cette agitation).

A vrai dire, Repave s’inscrit dans la continuité artistique du second album de Bon Iver, mais augmenté des éruptions soniques de son collectif de « choristes vulcanologues ». Le caractère aventureux d’Unmapped se retrouve là mieux canalisé (seul exception, le quasi instrumental « Alaskans » évoque les collages post-folk du premier album). On sent tout au long de ses huit foisonnantes compositions un refus de tracer une ligne droite, de systématiquement changer les plans afin d’éviter soigneusement de retomber en terrains connus – « Comrade » alternant passages épiques et folktronica…, ou encore la folk afro hybride de « DancePak ». Et bonne nouvelle pour les oreilles démissionnaires depuis For Emma Forever Ago, il n’y a de claviers « new wave gluants » à la Bruce Hornsby. S’il ne devait pas y avoir de nouvel album de Bon Iver, Volcano Choir fera très bien office de solide remède palliatif.