Deuxième volet d’une trilogie amorcée en 2010, Kogetsudai de Sylvain Chauveau semble, dans un premier temps sur le plan des titres des opus, se constituer comme la suite « cohérente » de Singular Forms (Sometimes Repeated).
Deuxième volet d’une trilogie amorcée en 2010, Kogetsudai de Sylvain Chauveau semble, dans un premier temps sur le plan des titres des opus, se constituer comme la suite « cohérente » de Singular Forms (Sometimes Repeated). La cohérence est celle du passage du minimalisme plastique auquel faisait référence Singular Forms (titre de la célèbre exposition rétrospective présentée en 2004 au Musée Guggenheim à New York et dédiée à la tendance minimaliste dans les arts plastiques) à celle de la religion zen, Kogetsudai étant le « monticule tourné vers la lune » qui se trouve à Ginkaku-ji, le « Pavillon d’Argent », à Kyoto. Passage harmonieux et logique, dira-t-on, puisqu’il est historiquement et intellectuellement fondé sur des affinités entre le minimalisme et la pensée zen. Mais le jeu de référence est surtout soutenu par une épaisseur commune sur le plan musical, une dimension que privilégie Sylvain Chauveau depuis longtemps dans ses recherches sonores : c’est celle qui veut élever le silence au même niveau d’écoute et d’attention que les sons dans une composition, un peu comme ce que faisait André du Bouchet pour la poésie en rendant sensible l’oeil du lecteur aux « espaces blancs » sur une page, entre les mots, aussi lourds de « sens » que ces derniers. Sous cet angle, l’approche minimaliste du musicien apparaît comme un moyen parmi d’autres pour défaire les éléments musicaux usuels, et le plus décisif semble être la voix qui se trouve au coeur de ses déconstructions : selon qu’elle se place au sein des nappes électroniques minimales (« Tofukuji »), notes de piano (« Lente La Neve »), ou même des deux à la fois (« Demeure »), elle prend une densité authentique à chaque usage. Ainsi sa plasticité ne devient que plus palpable quand elle est hachée, arrêtée ou répétée. Hormis « Kogetsudai », dernier morceau de l’album qui reprend presque la structure d’une préparation à une méditation zen avec ses longues « respirations » réitérées et ses frappes qui résonnent, la « complexité du simple » qui travaille cet opus est un véritable plaisir tiré d’une polyphonie qui définit bien la musique de Sylvain Chauveau, faisant vaciller sans arrêt son auditeur entre la signification des mots prononcés et la surface sur laquelle ils apparaissent.
Ecouter « Demeure »