Brillante transformation pour ce groupe du nord de l’Angleterre avec un album cinématographique et soigné à tous points de vue.


C’est en 2011 que Grass House, formation originaire du Yorkshire, se fait connaitre avec un deux-titres prometteur, « Faun/ Breeze ». Single déjà brumeux et donc fidèle au climat terne qui sévit sur ce comté du nord de l’Angleterre, dont la poétesse Emily Brönte décrivait magnifiquement la désolation et la beauté tragique de ces immenses plaines, sans cesse balayées par le vent et la pluie dans Les Hauts De Hurlevent. L’ombre de Nick Cave rodait déjà sur ces premiers pas, et beaucoup attendaient la parution d’un album complet, tant le format long semblait parfaitement se prêter à cette musique ambiante – un concept album en somme.

Si les observateurs suscités ne furent pas déçus du résultat, ils durent pour autant patienter pour cela plus de deux ans. La faute à un manque de créativité ? Des problèmes au sein des nouvellement formés Grass House ? Apparemment non. Il semble que nos jeunes Anglais prennent leur temps, et favorisent leurs activités respectives en dehors de la musique (études, petits boulots), pour justement garder ce contact avec le quotidien, et cette fraicheur dans leur rapport à la musique, sans jamais sentir la pression d’avoir à produire de nouveaux titres. L’inspiration doit venir naturellement.

Et c’est ainsi que nous parvient A Sun Full And Drowning – timing parfait en ce pluvieux mois de décembre au moment où nous écrivons ces lignes. Le titre augure déjà de cette ambivalence entre lumière et désespoir, avec cette magnifique pochette sur laquelle se superposent différents paysages montagneux. « Spinning As We Turn » donne le ton : intro orchestral, guitares très inspirées des Walkmen, et ce chant, presque parlé, faisant référence à la fois à Nick Cave, à leur aïeul Stuart Staples (Tindersticks) mais surtout à Matt Berninger (The National), avec ce timbre grave et charismatique qu’on imagine pourtant difficilement venir d’un étudiant du nord de l’Angleterre.
Car si la musique dense est planante de The Grass House semble dévorer paisiblement l’espace des grandes plaines de leur Yorkshire natale, le menacer d’un épais et sombre manteau nuageux sans que la tempête n’éclate jamais vraiment, ce premier album dévoile par ailleurs son attrait pour l’Americana. Le quatuor révèle une éducation parentale à base de Johnny Cash et de Rolling Stones ; une touche Folk, disséminant ça et là quelques rayons de soleil (« Faun », « I was a Street Light »), voire mystique (« Tasteless but Taciturn »). Et au milieu de ce climat pour le moins humide, des envolées que même Mogwai n’aurait pas renié (« Of haste and art », « And now for the wild »).

Produit par Jim Anderson (déjà aguerrie à ces ambiances mélancoliques avec Cold Specks), A Sun Full And Drowning ne nous offre pas de véritable tube, mais apparaît efficace sur la longueur, avec ce côté cinématographique, atmosphérique, et des paroles soignées qui témoignent déjà d’une certaine maturité. A suivre… et de près.