Retour sous le signe de la mélancolie et du désÅ“uvrement pour le trublion des années 90.


Si on doit récemment à Beck de très belles productions telles que IRM de Charlotte Gainsbourg, le très réussi Magic Mirror de Stephen Malkmus, ou encore ses superbes sessions live dont sa reprise inattendu de l’album Kick de INXS (avec notamment la magnifique St Vincent), l’intérêt de la discographie personnelle de l’enfant prodige des années 90 commençait à passer au second plan.
Frôlant parfois le génie de ses premiers albums (Modern Guilt), mais plus souvent peu convainquant tout en n’étant pas totalement mauvais (The information), depuis près de quinze ans, on pouvait reprocher à cet étonnant artiste son penchant pour le boursouflage parodique (Midnite Vultures, Sea change) que l’on croyait à jamais éloigné de la grâce de Mutations, Mellow gold et surtout Odelay, disques qui ont bâti sa renommée.

Une mise au point s’imposait, car loin d’être un «Â Lenny Kravitz de la hype pour bobos vieillissants », Beck est avant tout un remarquable faiseur d’ambiances musicales. Il est vrai que quand il est à l’os, dénudé, comme sur sa reprise de Skip James que l’on peut entendre sur la BO de The soul of a man, on ne pouvait que constater son incroyable aisance musicale au service d’un terrible manque d’engagement… Le résultat était sans appel : au-delà de la dextérité, le blues s’interprète, se vit. Le «Â Géo Trouvetou » de la pop aurait-il encore l’audace d’épouser les palpitations de son cÅ“ur ? Ce nouvel album nous permet de retrouver l’homme qui se nichait derrière ce mur de sons. Largué, en perte de repères, l’artiste s’est ressaisi.

Si la beauté musicale qui se dégage de Morning phase est essentiellement due aux reliefs et aux climats que Beck a su produire, il est indéniable que ses nouvelles chansons en imposent avant tout parce qu’elles touchent l’auditeur à la racine, sans esbroufe et sans autres effets de manches. Témoignages de ce retour en grâce, le très beau « Morning » et son intro calquée sur celle du « All things must pass » de Georges Harrison, « Wave » et son orchestration crépusculaire, sans oublier les trois petites folk songs distordues et inspirées que sont « Say goodbye », « Don’t let it go » et « Blackbird chain ». Mentions spéciales pour ce « Turn away » sous hautes influences Simon & Garfunkel à la mode « The Other Lives » ou encore ce « Heart is a drum » qui compile le temps d’un tourbillon mélodique tout le talent de son auteur.

Plus que recommandable, Morning phase est un album élégant et attachant qui remet en selle l’auteur-compositeur tout en confirmant les talents du producteur.

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