Sur son quatrième opus, le folker vagabond Damon McMahon révèle sa formule magique procurant pureté et élévation spirituelle. L’amour cosmique.
Au beau milieu de la jungle hipster brooklinoise, Damon McMahon, fait figure d’anomalie, un hippie des temps moderne. L’horloge du temps semble se figer au contact de ce songwriter de 33 ans, dont les puissants mantras délivrent une dark folk pure et mystique. Au début des années 2000, après avoir joué dans quelques obscures formations new yorkaise, Damon McCahon décide d’Å“uvrer pour une musique plus introspective sous le pseudonyme Amen Dunes (les fans de rock choucroute auront noté l’hommage à Amon Düül). Dia, son premier album autoproduit en 2006, est enregistré en solitaire dans des conditions spartiates, réfugié dans une cabane en bois, et quasi improvisé en une prise. En comparaison, les conditions Lo-Fi feraient passer le premier opus de Bon Iver pour du Polyphonic Spree… Le mini-album suivant, Murder Dull Mind, poursuivait selon les mêmes préceptes d’enregsitrement, mais délocalisé en Chine, où le vagabond s’est expatrié deux ans.
Après donc quatre albums accouchés spontanément sur cassettes et un retour sur Brooklyn, ce cinquième opus d’Amen Dunes tend vers une volonté d’ouverture inédite : en collaborant avec d’autres musiciens, mais surtout par une approche du travail plus minutieuse. Contrairement aux précédents « one shot », ce nouvel album a été en gestation durant une année entière, dans quatre studios différents à New York et Montréal. Lors de ces dernières sessions au mythique studio Hotel2Tango, les deux gourous de Godspeed You! Black Emperor, Dave Bryant et Efrim Menuck (ce dernier joue aussi de la guitare électrique vrillée sur « I can Dig it »), participent à élever l’intensité spirituelle de ces folks songs sans les éclabousser d’une production pesante, ni sacrifier l’esprit artisanal qui caractérisait jusqu’ici Amen Dunes. Parmi les renforts, le très sollicité saxophoniste Colin Stetson (Bon Iver, Timber Timbre) contribue sur deux titres, et les choeurs fantomatiques sont assurés par l’envoutante Elias Bender Ronnenfelt d’ Iceage.
Ce quatrième album s’intitule tout simplement Love. On redoutait une somme de clichés éculés, et voilà qu’il parvient pourtant à nous faire ressentir le frisson d’un premier rendez-vous. Les thèmes abordés d’ailleurs n’ont rien d’original (solitude, les épreuves de la vie, ect.) et pourtant… ce mot vieux comme la nuit des temps reste bien sûr une source inépuisable pour tout artiste investi. Le petit tube dream pop céleste « Lonely Richard », dévoilé il y a quelques mois, avait affolé les baromètres de la blogosphère. L’album finalement ne se cantonne pas qu’au seul registre acid-folk : on pense aux jams acidulées du Velvet Underground (« Love », « Green Eyes »), ou encore à un Devendra Banhart très haut perché (ce chant plaintif et enlevé à la fois), et puis aussi le traumatisant Third de Big Star pour ces halos de larsen qui hantent tout l’espace… Saupoudrées de farfisa, wurlitzer ou d’un piano noyé, les étranges cérémonies incantatoiress de McMahon n’en demeurent pas moins soigneusement construites et mélodieuses (« Splits are Parted », l’exotique « Lilac in Hand »). « Rocket Flare », balade laid back pastorale accompagné des cordes de Sophie Trudeau, laisse entrevoir quant à elle un étonnant cousinage avec Kurt Vile.
Même si incontestablement Love est l’album le plus abouti d’Amen Dune, il reste un disque au charme bancal. A l’instar d’un I am The Cosmos de Chris Bell, ce sont ses errances qui contribuent aussi à son magnétisme singulier. Damon McMahon vient enfin d’ouvrir les fenêtres de sa cabane et laisser passer une lumière salvatrice. Magique.