Les Cloud Nothings resserrent leur propos sur leur quatrième opus intense, brut et sans temps mort. De la bombe, Baldi.
Autant prévenir tout de suite : ce nouvel album des Cloud Nothings s’offre à l’oreille comme un projectile lancé à toute allure, sans répit ni transition. On y envoie le bois, les tympans crépitent et les cervicales s’en trouvent sévèrement malmenées. Ceux qui n’ont pas encore goûté à la pop punk lo-fi de cette formation originaire de Cleveland peuvent avaler une discographie déjà importante. Here and Nowhere Else fait suite au génial et intransigeant Attack on Memory de 2012, lui-même successeur de deux disques encore largement baignés dans l’adolescence (Turning On en 2009 et Cloud Nothings en 2011). Depuis ses premières démos enregistrées dans le sous-sol familial, Dylan Baldi a constitué un groupe solide et tracé une longue route faite de tournées marathons. Une progression remarquable qui s’appuie sur un songwriting habile et efficace, basé sur des mélodies justes et invariablement addictives.
Le second guitariste déposé, Dylan Baldi condense aujourd’hui son propos en formule power trio et adopte une remarquable concision. Here and Nowhere Else consiste en huit chansons, huit déflagrations à la fois rudes et bouillonnantes. De « Now here in » à « I’m not part of me », il n’est quasiment question que de rythmiques fougueuses, basses galopantes, et guitares effrénées. On n’y trouve aucune trace de solo ni d’arpège, aucun temps mort… simplement une cavalcade de huit bombinettes enchaînées en trente-deux minutes. L’écriture y est toujours aussi balisée : des couplets et refrains efficacement mis en boucle, du quatre accords de rigueur, de la dissonance à tous les étages. Baldi fait le choix de pousser au maximum cette formule et abandonne les digressions d’Attack on memory (excepté sur « Pattern Walks » et ses 7’30 » de sauvagerie).
Le jeune songwriter est épaulé par une section rythmique tachycardique (Jason Gerycz à la batterie, TJ Duke à la basse), et sa guitare mixée en avant s’impose dans toute son épaisseur et tout son tranchant. Il hurle à gorge déployée ses réflexions sur le moment présent et quelque relation amoureuse, évite toute contemplation du passé. Sur Here and Nowhere Else, le trio s’efforce d’avancer droit devant, avec un mordant et une passion renouvelés, ignorant tout racolage. A l’image de l’austère photographie illustrant la pochette du disque, Cloud Nothings se débarrasse de toute scorie et tout ornement pour aller vers l’essentiel. Le responsable du son, le vétéran John Congleton (remarqué récemment du côté de chez Angel Olsen et Anna Calvi), a su capter adroitement ce déchaînement continu en restituant une forme de brutalité que le groupe n’avait su retranscrire qu’en live. Une captation certes différente de Steve Albini, mais toute aussi efficace.
Depuis Hüsker Dü et Nirvana, peu de groupes on su s’aventurer dans la formule trio avec une telle intégrité et un telle réussite. Avec Here and Nowhere Else, Dylan Baldi inscrit son groupe dans cette lignée, et remet au goût du jour l’évidence des disques courts (Green River, The Clash, Rocket to Russia, Reign in Blood, etc.). On en veut encore !