Le fabuleux label Light in the Attic Records a eu la bonne idée d’exhumer ce merveilleux disque entièrement composé de reprises de Dylan par un choeur de chanteurs Gospel.
Originellement paru en 1969 et produit par Lou Adler (The Mamas and the Papas, Carole King), cet album constitue un vibrant hommage à la carrière alors immaculée du troubadour Robert Allen Zimmerman, plus connu sous le nom de Dylan. Les chansons choisies, tout comme les interprétations incroyables de ces « Brothers and sisters », chorale de 27 chanteurs de gospels originaire d’une paroisse de Los Angeles, Californie, font de ce disque un incontournable pour tous les amoureux de Dylan ainsi que pour tous les amateurs de musique sacrée noire américaine.
La première face débute par un vibrant « The Times they are a Changing », chanson qui inspira notamment Sam Cooke pour son manifeste en faveur des droits civiques : « A C hange is Gonna Come ». Outre des titres appartenant à la période directement revendicative du jeune folksinger, l’album offre également de très belles versions de « Chimes of Freedom » et « Back pages » dans lesquelles l’écriture de Dylan se nourrie d’un surréalisme satirique ainsi que d’images plus poétiques évoquant à la fois les libations des fêtes commémorant le Mardi Gras autant que l’Å“uvre de Arthur Rimbaud. On pourrait penser que le sacré se met ici au service des bouleversements séculaires ou des tentations que dresse le seigneur sur le chemin des pêcheurs.
Ainsi, avec les versions de « Lay Lady Lay » et « I’ll be your Baby Tonight », se retrouvent sur cet album de gospel des titres dont la sensualité des paroles et la moiteur de la musique ne font aucun doute. Ces titres figurent sur les albums alors contemporains de Dylan, tel l’envoûtant et finalement assez méconnu John Wesley Harding, sorti en 1968, où Bob Dylan multiplie les figures de la quête du pêcheur solitaire qui sur « Dear Landlord » se tourne soi vers son propriétaire terrien (son manager Albert Grossman), soi vers Dieu.
Reprise sur ce disque « Dear Landlord » est littéralement transfigurée, passant de la psalmodie de la version originale à la clameur mystique la plus enfiévrée. Autre extrait de John Wesley Harding , la magnifique version de « All Along the Watchtower » et son dernier couplet qui s’inspire des prédictions du prophète Esaïe sur la chute de Babylone, qui interprétée par ces Brothers and Sisters gagne encore en spiritualité. Ce mélange entre le religieux et le séculaire est d’autant plus évident quand on détaille les membres de ce chÅ“ur, où émergent notamment Edna Wright et Gloria Jones chanteuse également connue pour ses hits R & B. Mais la grande surprise de ce disque, c’est la présence au sein de cette mémorable confrérie de la choriste des Stones Merry Clayton (qui rentra dans l’histoire pour ses vocalises emportées sur « Gimme Shelter ») redécouverte tout récemment grâce au documentaire 20 Feet from Stardom). Un très grand album à posséder de toute urgence !