Evidemment, ce qui frappe à l’écoute d’After the End, c’est cette esthétique eighties, celle de l’Angleterre néoromantique, la pop sophistiquée et mature de Japan, The The et The Blue Nile.
Evidemment, ce qui frappe à l’écoute d’After the End, c’est cette esthétique eighties, celle de l’Angleterre néoromantique, la pop sophistiquée et mature de Japan, The The et The Blue Nile. Tout laisserait à penser qu’on a affaire à une formation outre-manche, l’accent aristocratique du chanteur compris. Première erreur, Merchandise est originaire de Tampa, Floride, on ne pouvait pas faire plus aux antipodes de nos certitudes. Et puis passé quelques écoutes, on comprend que Merchandise est une formation nettement plus tordue qu’elle n’y parait. Quelques nuances et dissonances s’immiscent dans leurs arrangements, dans une volonté de bousculer les apparences trop « clean » . On aurait dû s’en douter, des Floridiens qui adulent les Rita Mitsouko, le Gun Club et Echo & The Bunnymen sur leur compte Instragram ne peuvent être totalement blanc. Vérification faite avec le EP Totale Nite, paru l’année dernière (et masterisé par Sonic Boom), laissait entendre un désordre exquis, où les guitares soniques de Daydream Nation convolaient avec la folie des premiers Roxy Music. Et puis au cÅ“ur de ce chaos, il y avait surtout cette voix mélodieuse en contrepied, celle de Carson Cox, à l’élégance ténébreuse. Le frontman a beau ne jurer que par Scott Walker, on penche plutôt de notre côté pour la mélancolie grave de David Sylvian et de Matt Berninger (The National). Ce qui nous amène aujourd’hui à After the End, leur troisième album, et premier pour le label 4AD. Renforcé par deux membres, le désormais quintet y affiche clairement ses intentions pop, et dégage une grandeur inédite. Comme pour les précédents albums, After the End a été produit par le groupe, mais le mixage final a été confié à Gareth Jones (Depeche Mode, Interpol). Le groupe s’est réinventé sur un disque soigné, pétri de mélodies d’une allure folle (« Enemy », « Telephone »), même si les expérimentations n’ont pas totalement encore été abandonnées. D’où l’intrusion de boites à rythme cheap, bruits blancs, et des nappes pesantes (le single étincelant « Green Lady », et son final claustrophobique). Saluons David Vassaloti, guitariste d’une finesse rare dont le jeu évoque le phrasé stratosphérique des paroissiens post-punk de The Church (l’immense « True Monument » donne le vertige). Sa six-cordes tisse une étoffe précieuse pour le chant emporté de Carson Cox qui hante ce disque de bout en bout – la poignante confession « Life Outside The Mirror », le final folk « Exile and Ego ». Une chose est sûre, on est loin d’en avoir fini avec Merchandise.