« Je n’ai besoin de personne », ainsi s’ouvre le dernier album du chauffard solitaire de rock alternatif US, Dave Doughman.
« Je n’ai besoin de personne », ainsi s’ouvre le dernier album du chauffard solitaire du rock alternatif US, Dave Doughman. Effectivement, le leader de Swearing at Motorists, duo rock séminal formé au milieu des années 90 – il en est en fait le seul membre permanent depuis les débuts – s’est toujours débrouillé avec trois fois rien, ou plutôt avec le minimum de pistes à enregistrer : juste un batteur occasionnel, sa guitare électrique et son timbre de voix singulier, lent, soul et désabusé. Ce peu d’artifices constitue l’essence même du rock de Swearing at Motorists depuis près de vingt ans. Avec seulement cinq albums et autant de EPs éparpillés sur différents labels (la meilleure période demeurant chez Secretly Canadian), ce secret bien gardé originaire de Dayton, a toujours eu la faveur des critiques. Un engouement hélas peu suivi par le public. Pourtant, déjà du temps du culte Number Seven Uptown (2000), le rock Lo-Fi de cet humble artisan était capable de porter des mélodies sur le même front émotionnel que Guided By Voices, et d’emprunter de temps à autres la voie poussiéreuse d’une folk americana crue dans la veine d’un Smog première période. L’excellent Last Night Becomes This Morning, dernier album en date, remontait à déjà près de dix ans. A cette époque, Dave Doughman avait quitté la patrie de l’oncle Sam pour s’exiler à Berlin. Neuf ans plus tard, on le retrouve à Hambourg où il s’est acoquiné avec un autre expatrié, le gourou psychédélique Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre, qui l’accueille sur son label A Records. Co-produit par Dave et Rick McPhail du groupe allemand Tocotronic, ce nouvel opus flanqué encore d’un titre à rallonge, While Laughing, the joker tells the truth, est d’une constance à toute épreuve : dix-sept morceaux imperméables aux modes, gravés sans détour au plus près de l’âme. Des ballades mid-tempos authentiques qui parfois ne vont pas au-delà des deux minutes. Rien de révolutionnaire, mais pour ceux en quête d’un rock décharné qui va à l’essentiel, sans tricherie ni cirque, Swearing at motorists détient cette vérité. Tout est là : du vibrant « Groundhog Day » et ses belles voix doublées en passant par « The Darkest September », où le chant désabusé de Doughman se frotte exceptionnellement à un piano. Et puis pour le sursaut power pop de « Great Actress », où surgit un vibrant solo de guitare à la grâce hymnesque. Qu’on se le dise, Dave Doughman est de nouveau sur la route, et cela suffit à notre bonheur.