Griffures pop sur coups de rein consentants. Ce duo nous balance leurs minitubes en pleine tête avec allégresse et générosité.
Vertical Scratchers est un jeune groupe formé des vieux briscards du rock, le guitariste John Schmersal (ex-Brainiac/Enon) et le batteur Christian Beaulieu (ex-Triclops!/Anywhere). Sous cette nouvelle entité, les deux compères, débarrassés de leurs anciens oripeaux, plongent avec gourmandise et une certaine naïveté dans l’écriture de pop-songs nerveuses. Telle une revigorante confiture versée avec amour dans un pot qui en a vu d’autres, ce disque rappelle à bien des égards le délicieux écho de la sonnerie qui précède la récréation à l’école. Une excitation qui collera à l’oreille de l’auditeur durant les 15 titres et 31 minutes de cet album.
L’album est ainsi rempli à ras bord de mélodies qui se grignotent entre elles, sautant sans prévenir d’un refrain à l’autre. En guise de fils conducteur s’étire la voix agile de John Schmersal, un chant issu de fantasmes refoulés, convoquant les intonations complices de Ray Davies, les douces ondulations affectées de Jack Bruce (RIP) et le déhanché de Josh Homme. Sa voix domine chaque chanson, en empilant les volutes mélodiques, et n’octroie aux instruments qu’un rôle presque secondaire.
Et pourtant, son compère Christian Beaulieu n’est pas en reste. Sa lourde frappe maintient ces chansons brinquebalantes dans un flux tendu de bon aloi. La fibre 60’s est ici égratignée par l’indie-rock 90’s, guidée par cette urgence innée qui caractérise leurs deux auteurs. La tête dans les nuages et le pied constamment sur l’accélérateur. Le disque fut enregistré live sur la scène de The Smell (repère depuis une dizaine d’années des nouveaux groupes indés made in LA) et les morceaux ne dépassent qu’en de rares occasions les 2 minutes 30 et s’enchaînent tels une compilation de démos composées dans un même élan et une frénésie jouissive. Cette démarche spontanée est synthétisée par Beaulieu dans un récent entretien, « Christian and I liked the idea of being able to show up anywhere with next to nothing, jump onto a stage that had whatever drums and guitar set up and be able to play these songs.» Le duo aurait pu en écrire 50 autres, aucune importance, le trait n’est jamais forcé. Le robinet est ouvert et on se délecte de cette petite fontaine de jouvence.
Vertical Scratchers s’octroie aussi quelques pauses, les pieds dans le sable (« Rainbows ») et s’autorise à décrocher quelques étoiles – « Pretend U Are Free », « U Dug Us All » – sans se départir de cette douceur quelque peu surannée. Vertical Scratchers ne renie pas ses influences, ni les comparaisons, ici les Kinks, là Fountains of Wayne (« Someone »), ou Guided by Voices (Robert Pollard en parrain bienveillant vient d’ailleurs apporter sa pierre à l’édifice sur l’excellent « Get A Long Like U »), etc. etc. La liste est longue et chacun y trouvera sans doute à redire, mais le sujet n’est pas là. Daughter of Everything est un disque de plaisir pur, humble et enjoué, le fruit juteux de la confrontation du savoir-faire et du laisser-aller. Un album attachant d’une fraîcheur rare qui possède naturellement les défauts de ses qualités. Espérons que la récréation dure encore longtemps.