Réunion de trois sommités de la scène rock alternative canadienne, Mounties vise très haut sur son premier album, en dépit de quelques trous d’air.
Neuf mois après sa parution au Canada, le premier album de Mounties franchit l’Atlantique. Si leur nom ne vous dit rien, sachez que ce dit « super trio » basé à Toronto est pourtant constitué d’anciennes connaissances. En effet, deux de ses membres ont connu par chez nous leur heure de gloire au début des années 2000 : le songwriter et producteur Hawksley Workman a sorti quelques albums en solo salués par la critique avant de disparaître des radars, du moins hexagonaux. Quant à Steve Bays, il fut le chanteur et clavier des Hot Hot Heat, combo indie rock au groove contagieux, qui surfa sur l’engouement de la vague Strokes & Co, avant que le soufflet du succès ne retombe dès leur second album (bien qu’ils soient apparemment toujours en activité). Enfin pour le troisième larron, Ryan Dahle, sa renommée n’a pas atteint le vieux continent mais il a été le guitariste de Limblifter et Age of Electric, deux formations rock au succès notable en sa patrie dans les années 90 et 2000.
Contre tout attente, ce retour de vieilles gloires a franchement fière allure. Cette réunion de rockers expérimentés, tous trois étant producteur et songwriters, ne semble pas souffrir de crises d’égos, les responsabilités au sein du trio étant réparties équitablement. Mounties compose collectivement une sorte de post-punk progressif aux envolées solaires, quelque part en Wolf Parade et Pinback, le tout propulsé par une section rythmique haletante. Le plus surprenant à l’écoute de Trash Rock Legacy est que la musique serait née de longues jams dans des conditions semi-live – Workman officiant à la batterie, Bays aux claviers et Dahle à la guitare. On a tout de même du mal à croire que ces compositions découlent du simple fait d’improvisations, tant l’ensemble fait montre d’une recherche mélodique pointue et surprenante.
A vrai dire, on n’avait pas entendu une telle efficacité dans le genre depuis le premier album de Wolf Parade. Ça tombe bien, ce sont aussi des canadiens. On ne sait trop comment parviennent à tenir ensemble dans ce grand-huit ces claviers analogiques tordus et ces gimmicks de guitares épileptiques, mais la formule tourne à plein régime, et d’une manière spectaculaire – à écouter, la succession de brûlots indie rock alignée en tête de l’album – le XTCien « Pretty Respectable », « Headphones » et l’immense « Tokyo Summer » avec son air entêtant. Le haut débit d’énergie impressionne, mais gare toutefois à ne pas franchir la ligne rouge : La tentation de sonner pop voire même catchy peut parfois s’avérer écoeurante, comme sur la new wave solaire de « Waking Up on Time » qui tend (trop) vers du MGMT première période, ou encore « If This Dance Catches On », où Worksman louche un sur le phrasé vocal de… Michael Jackson. Toute proportion gardée, et en dépit de ces traits un peu exagérés, Trash Rock Legacy distille une fraîcheur et un enthousiasme communicatif, surtout venant de musiciens qui ont déjà quelques vies derrière eux.
L’album s’essouffle un peu sur la fin, ce trop-plein d’énergie pouvant finir par devenir à nos oreilles un peu éreintant sur la longueur. Trash Rock Legacy aurait mérité d’être allégé de quelques titres -– la démonstration instrumentale de trop « Minimum Effort ». Quatorze morceaux pour un album de rock qui se veut enlevé, c’est un peu trop. Notre conseil donc pour mieux apprécier Trash Rock Legacy, l’écouter à dose courte plutôt que d’une traite. Car envisager l’ascension de Mounties en vaut tout de même la chandelle.