En net regain d’activité, le vieux Bill enchaîne avec un superbe deuxième opus en trois ans, confirmant sa classe naturelle.
Effacé des registres musicaux pendant quatre décennies, et perdu corps et biens pour la musique, mais en réalité condamné au mutisme pour de mauvaises raisons, Bill Fay relance miraculeusement et de la plus belle des façons la machine en 2012. L’album du come-back, Life is People , met la critique à genoux et ses auditeurs en pamoison. Le monde s’ouvre enfin à lui. La perspective est magnifique. Cette renaissance il la doit à une corporation de musiciens influents : David Tibet (Current 93), Jeff Tweedy (Wilco), Nick Cave tous enthousiastes, admirateurs et réceptifs à ses travaux.
Bill Fay enclenche aujourd’hui la seconde. Car trop de temps perdu et à jamais envolé ! Le moteur rutile encore, sa musicalité est parfaite. Who is the sender ? est un nouveau petit bijou intimiste, languissant et tendre. Une Å“uvre d’art mélancolique en miniature.
A l’instar de Sixto Rodriguez repêché des limbes de l’anonymat, Bill Fay poursuit dorénavant sa route pavée de louanges. Une ola se propage et tourne en boucle à l’échelle du globe depuis son retour. Mais rien n’a été simple et facile. Car ne l’oublions pas, Fay a écrit ses premières chansons de folk rock mâtinées de psychédélisme dans les années 60. Deux albums on vu le jour – L’éponyme Bill Fay en 1970 et Time Of The Last Persecution en 1971. Deux Å“uvres, l’une de pop orchestrée et l’autre plus primitive et ténébreuse qui marquent l’histoire, et qui plus tard entretiendront sa légende. Mais brutalement en 1972 la lumière s’éteint. Remercié par des businessmen «avisés» et «avertis» de son label, Fay sera privé de son capital mais surtout de son outil de travail. Ces calculateurs de profits ont regardé mais n’ont rien vu. Quarante ans après, on les imagine bourrelés de remords et pétrifiés par le retournement des circonstances.
Cette nouvelle production Who is the Sender ? poursuit l’Å“uvre et complète admirablement Life Is People. L’évolution est subtile. Comme pour son précédent la pochette de ce nouvel album l’illustre en représentation, jouant religieusement du piano, et entrant en conversation avec son ami de toujours. Son talent de songwriter, l’élégance de la production et la finesse du bâti musical illuminent encore. Bill Fay ne manque pas son nouveau rendez-vous. Le purgatoire – souvenir des temps difficiles – est aux oubliettes. « The Geese Are Flying Westward » premier morceau, annonce les retrouvailles. Quelques notes d’orgue Hammond, le violoncelle qui bat la mesure, la voix apaisé de Fay qui émet ses premiers sons, on sait à cet instant que la magie va de nouveau opérer. Sa suite nous le confirme : « War Machine », « How Little », « Underneath The Sun » s’enchainent divinement. Ces miniatures bourrées d’émotions agissent comme un révélateur magnifique. Fay en mode intime accroche. Sa musique est douce, sobre, limpide et mélancolique mais surtout intemporelle. Tout semble couler de source. Life Is People est d’un classicisme confondant avec de la matière à revendre et une source de joie propice à la méditation !
A l’écoute de « Bring It On Lord », on plonge dans un rêve. Celui-ci nous entraîne dans la campagne anglaise. On y déambule, puis survient une parenthèse magique, quelques notes de musique s’échappent d’une petite église, on entrouvre la porte, le révérend Bill est là à son piano. On n’ose interrompre son homélie inspirée ! Autre sommet de ce retour – « World Of Life » – en fin de parcours est un hymne à l’espoir – accueillant et optimiste- sous sa cascade de cordes et de trompettes. Ne pas omettre, en deuxième lecture, l’analyse attentive de ses textes qui révèlent un questionnement existentiel et des réflexions philosophiques et spirituelles.
L’écoute de cet opus procure aussi un sentiment unique de proximité, une sensation réelle de participer aux sessions d’enregistrements au côté de Fay et ses musiciens. Life Is People exprime également une cohérence et une unité parfaite qui renvoient pour sa conception à l’impression d’avoir été écrit et interprété d’une traite, un soir de concert, lors d’une improvisation inspirée et exaltée à la manière d’un trio de jazz. En réalité Life Is People fût enregistré en 13 jours dans le nord de Londres dans le mythique Konk Studios de Ray Davies. Peu importe, la réalisation est magistrale !
Le jeune homme et son piano se sont exprimés : l’émotion et l’inspiration dialoguent au son de mélodies séduisantes et inspirées. Hymne à la joie – toute intérieure – Who Is The Sender ? questionne et apporte sa propre réponse : il n’y en a qu’un – Bill Fay.