L’ancien leader des regrettés The Beets revient avec un second album de folk urbain hispanisant.
Il y a des albums dont les pochettes en disent beaucoup sur les intentions artistiques et sur la personnalité d’un musicien. Sur celle de Who Me ?, on y voit Juan Wauters, dans une tenue élimée, perché sur le capot d’une voiture arrêtée sur le Queensboro Bridge, arborant un sourire timide avec la skyline de Manhattan au second plan. On devine l’humilité du bonhomme à cet air presque gêné, à mille lieux d’une mise en scène de soi totalement contrôlée. On l’imagine alors déambuler dans le Queens, où il réside, avec un carnet de notes à la main, inspiré par ses amis, ses voisins et les habitants de son quartier.
Largement autobiographiques, les thèmes des chansons dépeignent les petits tourments du quotidien : les relations sentimentales incertaines sur « Woodside, Queens », les insomnies diurnes sur « There’s Something Still There », les parents qui essaient de vivre leurs rêves à travers leurs enfants sur « This Is I ». Juan Wauters est aussi capable de paroles désarmantes de vacuité, comme lorsqu’il entame « I’m All Wrong » par un “Like a movie that is good, you require my attention”.
Quand il chante en espagnol, le musicien rappelle qu’il n’est arrivé à New-York qu’à l’âge de 10 ans, en provenance de son Uruguay natal. L’utilisation de sa langue maternelle (« En Mi », « Asi No Mas ») réchauffe ses folk-song minimalistes et sans fioriture. Le duo guitare-voix acoustique, accompagné d’une basse qui donne une belle rondeur aux morceaux, est enrichi d’arrangements subtils mais parfaitement à propos : les notes aériennes de piano sur « Through That Red », une caisse claire sur « Todo Terminao », un saxophone sur « El Show De Los Muertos », ou un orgue sur « This Is I ».
La charmante désinvolture de « She Might Get Shot » et la rythmique nonchalante de « Grey Matter » nous replongent dans le New-York des années 60 et 70, celui de Paul Simon et de Jonathan Richman. Le dépouillement stylistique de ce troubadour des temps modernes, au service d’une chaleur humaine sincère, fait de Who Me ? un disque terriblement attachant.
A déguster dès maintenant ou à réserver pour les premiers jours de l’automne, quand les arbres de Central Park se pareront de leurs couleurs chaudes.