Moins de sludge, plus d’Albini, le nouvel album des Canadiens Ken Mode est un bel hommage à toute la mouvance post-hardcore des années 90.
Peut-être ne le savez-vous point mais l’année 2015 en matière de Rock Fort est particulièrement féconde. Spectres, Fawn Spots, Metz et aujourd’hui donc Ken Mode. Si Ken Mode arrive juste après Metz, sachez que ce n’est absolument pas le fruit du hasard.
Cette dernière partage avec Metz la nationalité Canadienne (ce qui, avouons-le, nous fait un fort magnifique galbe), et également un goût pour les guitares dissonnantes. Certes moins speedé que les autres Canadiens mais pour lequel la violence est ici plus intense et viscérale que liée à la consommation excessive de dopants. En revanche, ce qui les différencie c’est ce second degré dont est doté le groupe Canadien (pas Metz, l’autre). Tordu mais on ne peut plus présent.
Commencer son disque en sortant tout de go : « We can play this game a little bit longer but we all know we are not very welcome here », continuer sur le même morceau,« we are blessed»… c’est tout de même faire preuve d’un humour non négligeable. Balancer en intro sur le brûlot suivant «Â I would like to learn how to kill, the nicest men in the world, making feel uneasy, making feel strange  », est assez gonflé et légèrement dérangé.
Bien évidemment cet humour de psychopathe va de pair avec une musique rêche, sans fioritures bénéficiant de la production sur l’os d’un Steve Albini qui, au passage, a du retrouver une seconde jeunesse en les enregistrant. Si les précédents disques du groupe tiraient vers le Noise Rock/ Sludge Metal, évoquant parfois le Hardcore de Converge, ce nouvel album ne se limite plus qu’à un style (celui sur lequel Albini est le plus à l’aise)Â : le Post-Hardcore. Donc exit toutes velléités métalliques et bienvenue à un Post-Hardcore direct et mélodique, hommage non feint à toute cette scène des années 80/90. Comment ne pas penser à Bob Mould et ses Hüsker Dü, ou encore à Jesus Lizard ? Difficile en effet de passer outre mais une référence reviendra dans chaque conduit auditif à l’écoute de cette galette : Ian MacKaye et ses Fugazi. Même intransigeance, même droiture (ou psycho-rigidité si vous voulez), même énergie à la différence que pour MacKaye et ses sbires, la musique se devait d’être engagée voire politique. Ici, l’aspect politique se fait moins frontal via un humour noir omniprésent.
Et puis, avouons-le, l’empreinte Albini y est tout de même primordiale. Grâce à lui, le groupe semble découvrir la vertu des arrangements (The Owl…et son violoncelle rappelant le « Dumb »de Nirvana), calmer le jeu en devenant au final plus intense (le superbe « Dead Actors » et son Math-Rock façon Slint), s’ouvrir à la pop (l’excellent « This Tight Jeans » et la divine intervention de Jill Clapham) ou encore s’orienter vers un indie/Noise à la Pixies de Surfer Rosa (« A Passive Disaster »).
Néanmoins, malgré ces références et la haute tenue de ce disque, il faudra parfois passer outre les vociférations un peu trop appuyées et par moment pénibles du chanteur ( I Just Liked Fires). Mais, comme il est écrit ci-dessus, l’ensemble est de très haute tenue, mélodique et parvient au final à faire vibrer la fibre nostalgique des quadras en perte de repères Post-Hardcore depuis la fin de Fugazi ou At The Drive-In.