Où l’on pénètrera dans les jardins automnaux de la carrière du mythique groupe américain.


On avait laissé Mercury Rev en lapins nocturnes distillant des flocons de neige électronique sur Snowflake Midnight (2008), plutôt convaincus par cette prestation à risque loin de leurs sentiers battus. Il aura fallu attendre sept ans que les américains reviennent par la porte des arrangements disneyiens qui firent leurs beaux jours.
The Light In You s’ouvre donc sur une balade pop orchestrale qui n’est pas sans rappeler les grandes heures du groupe. Un disque où l’on oscillera en permanence entre le crépusculaire Deserter’s Songs et le songeur All Is Dream, cordes, grelots et hautbois de rigueur.

« The Queen of Swans », belle chanson majestueuse, laisse donc présager les meilleurs augures pour la suite. La promenade s’effectue en terrain conquis dans ce début d’album. La voix familière et faussement fausse de Jonathan Donahue nous guide sur les pentes merveilleuses d’un jardin imaginaire et féérique, enjolivé de chÅ“urs magiques et d’envolées de harpe : tout n’est que lumière et émerveillement. Mais une note de nostalgie s’échappe toujours de ce conte moderne et Donahue se sent bien seul à errer dans Central Park (« Am I the only lonely boy to ever walk in Central Park ? ») lors du quatrième morceau, amère déambulation ornée des klaxons de la ville.
Parce que la musique de Mercury Rev tient aussi bien du monde de la magie et du merveilleux qu’elle fait résonner les cordes du spleen, l’on se laisse prendre au piège de ce faux bonheur, même en terrain connu. Et le disque de progresser alors vers une tension de plus en plus palpable, rythme soutenu et arrangements envahissants, les cuivres de plus en plus présents et les cordes qui s’affolent sur les enchaînés « Central Park East », « Emotional Free Fall » et « Coming Up For Air » situé au cÅ“ur du disque, comme un ventre paradoxalement mou.
Si lumière il y a, c’est tout aussi bien, plutôt qu’un estival soleil dardant, celle d’un sous-bois filtrant sous les frondaisons d’un ciel d’automne. Orange et or. Or, après un « Sunflower » bruyant et inutile, le groupe retombe sur ses pieds et la logique de son disque avec un hymne au papillon de nuit, animal qui saura résumer l’ambiance du groupe, entre lumière et ténèbres, entre attirance et répulsion. Ambigüité pas même levée dans le dernier titre de l’enregistrement qui laissera un drôle de goût, coincé entre des cuivres presque funky, un phrasé hip-hop raté, un titre bizarrement (en)joué pour célébrer les jours pluvieux.

Les deux/trois titres incontestablement moyens laissent donc planer le doute sur ce The Light In You qui par moment emballe tout à fait son auditeur, pour les repères infaillibles et les heureuses retrouvailles, pour son parfait début d’album, ou le déconcerte complètement par son manque d’originalité et ses fausses prises de risque malheureuses. Si Mercury Rev a enchanté le temps de deux disques incontournables nos rigoureux automnes, le groupe est depuis rentré dans le rang des favoris qui, protégés par vingt ans de carrière, peinent à retrouver le coup de génie salvateur mais continuent malgré tout à faire la seule chose qu’ils savent faire, de la musique. Pour le meilleur et pour le pire.