Jusqu’ici on reprochait à Julia Holter de trop intellectualiser sa musique…
Jusqu’ici, on reprochait à Julia Holter de trop intellectualiser sa musique. La multi-instrumentiste californienne diplômée de la très select California Institute of Arts, nous intéressait davantage pour les nombreuses références littéraires qu’elle glissait dans ses albums (sur la Grèce antique, des nouvelles de Colette et Virginia Woolf ou encore des poèmes de Frank O’Hara) que pour sa propre musique. Son quatrième album, Have you in Wilderness, entend recentrer le propos sur son auteur. Ou du moins, les concepts se font plus discrets. L’écoute de cette troisième collaboration studio avec le producteur Cole M. Greitt Neill (Ariel Pink), confirme effectivement une inclination plus « classique », autant sur le plan musicale que des paroles. Sa new wave teintée de cabaret s’est aussi muée en pop de chambre, intimiste bien qu’impressionnante dans l’équilibre établit entre instruments acoustiques (cordes et clavecins) et de textures électroniques (drones, nappes atmosphériques). La pièce la plus ambitieuse, « Vasquez », efface les lignes de mesures pour nous entraîner quelques part entre le jazz et l’ambient, autour d’un saxophone crépusculaire. En matière de sophistication, Portishead n’est pas loin. Le reste du disque nous installe plutôt dans les loges d’un théâtre baroque et de ballades somptueuses, sans pourtant franchir le seuil délicat de l’emphase, le chant sage mais harmonieux de la Californienne servant le contrepoids. Ses talents d’arrangeuses stupéfient sur des chansons plus complexes qu’elles n’y paraissent- le grandiose « Feel Me », « Night Song » et ses orchestrations tout aussi majestueuses, l’enchevêtrement de cordes et de chÅ“urs sur « Silhouette ». Car finalement, la nouveauté ici repose dans sa manière d’apprivoiser la pop. Car derrière cette enveloppe pop enchanteresse, des fêlures et un soupçon de tragédie s’immiscent en arrière-plan, comme sur le troublant » Lucette Stranded on the island » où des chÅ“urs hantés encerclent Julia Holter alors qu’elle fredonne « the birds can sing a song ». En dévoilant une part de sa vulnérabilité, la musicienne de trente ans touche enfin notre corde sensible.
En concert à Paris le 16 novembre au New Morning