Sous éclipse totale depuis plus d’une décennie, In Gowan Ring, le projet folk psychédélique du troubadour B’eirth rayonne à nouveau. Une lumière naturelle et complice éclaire aujourd’hui notre horizon.


Ce musicien libre est difficile à tracer. Connu et Å“uvrant sous divers patronymes, l’Américain Bobin John Michael Eirth répond aux noms de B, B’ee, Bee, Bee Eirth, Bobin Eirth ou B’eirth. Son Å“uvre tentaculaire développe des ramifications diverses (Birch Book, Mary Throwing Stones, Witch-Hunt), ses productions confidentielles s’échangent sous le manteau (il a diffusé de nombreux cdr) et discret, il se fond dans la nature, comme ses mélodies – fragiles – qui s’étirent lentement en exhalant leurs arômes.

In Gowan Ring est assimilé au mouvement wyrd folk ou folk alternatif. Très clairement acoustique, cette école prend ses racines et se construit sur le terreau de formations des années 60 et 70 comme principalement The Incredible String Band, Pentangle ou Pearls Before Swine, mais développe des mélodies plus fouillées et mystiques. Cette musique emmène la tradition et le folklore dans de nouvelles directions.

Natif de l’Utah, élevé dans la région des grands lacs au sein d’une famille de Mormons par un père Californien et une mère Canadienne, adolescent il s’investit dans la scène locale de Salt Lake city. La première empreinte répertoriée en 1994 –Love Charms – (enregistré à Prague) est identifiée au sein du défunt label et distributeur World Serpent résident de l’inquiétant et irrationnel David Tibet mentor de Current 93. In Gowan Ring est un laboratoire créatif à ciel ouvert. Ses sens en éveil permanent, Bee y cristallise ses multiples influences (poésie, mythologie, philosophie, religions, …). Ménestrels errants des temps modernes ses nombreux voyages contrastent avec sa production erratique. Chacun de ses nouveaux projets est un long processus exigeant et personnel. B’ee ne triche pas. Le résultat final est le miroir de son âme.

Rêvons à l’écoute de ces nouvelles chansons.The Serpent and the Dove est un voyage ésotérique dans un jardin lumineux. Autour de l’Arbre de Vie, il y a un serpent… et une colombe. La flamme d’une bougie scintille dans la nuit… » – B’ee.

Les portes de ce jardin d’Eden sont ouvertes. L’instrumental « The Serpent » nous alerte. Sur des vibrations sonores d’un bol chantant (tibétain) se dessine une atmosphère troublante au son d’un accord perturbant de violon. Le suivant – « Thousands of Bees » – exhale une atmosphère sereine. Le chant posé et mélancolique de B’eirth vibre au son de volutes de guitares et de cordes frottées d’un alto. Un millier d’abeilles bourdonnent et virevoltent en paix. Ce morceau crépusculaire est magnifique. « Sial at Play » est une chanson basée sur un poème du même nom de Shaun Johnson, publié dans le recueil Mandragora. L’ouverture sur une flute baroque associée à un dulcimer et un hautbois met en exergue l’influence ancienne de ce conte. Le tempo lent et répété de cette flute présentant peu de variations harmoniques alterne avec les versets du poème conté par B’ee. Le résultat inclassable est épuré. Délicatement, « Julia Willow » débute sur des arpèges de guitare espagnole. Un violon mélancolique trace son chemin. La genèse de ce morceau est née d’une rencontre mystérieuse avec un saule (Willow) à l’apogée d’une éclipse de lune verte. Féerique et poétique « Julia Willow » bruisse en silence.

‘Julia Willow

With ten thousand twigs of whispering sound

Falling her leaves

Lost to the breeze

Branches waving, a fluttering tree

Julia Willow’

La nature accueillante repend le contrôle et respire la liberté. « Set a Candle in the Night » envoûte. Sur une orchestration luxuriante la voie réverbérée de Bee résonne dans notre cÅ“ur. Ce morceau luminescent possède un charme magnétique. L’écoute venue il émet une lueur magique. Sur ce champ des rêves -“Field Of Dream”- Bee reprend son bâton de pèlerin. Dans son sillage une nuée d’instruments l’accompagne. A mi-parcours, la vièle à clavier, la guimbarde, les percussions et les cymbales prennent possession de l’espace. Le festin aux sonorités celtico-médiévale est animé. Une musique itinérante du passé écrite pour le présent.

Avec “A Song, a Story and a Stone” on chavire dans le merveilleux. Les touches d’un piano intimiste et introspectif pleurent Eric Satie, le temps se suspend, la mélodie se joue du silence et des espaces, Bee explorant les interstices à demi voix. Le labyrinthe de ce jardin sans issue s’ouvre sur la dernière porte musicale. « The Dove » est un retour aux sources, à l’obscurité du départ : « The serpent » se mord la queue.

Inaccessible dans sa catégorie Bee lâche dans la nature une nouvelle merveille de folk psychédélique. The Serpent and the Dove brille de mille feux intérieurs.