L’ex membre de The Coral brûle à nouveau d’envie de se frotter à sa six-cordes électrique, sans faire évidemment comme tout le monde l’attendait. Et c’est tant mieux.
Dès ses débuts, on a toujours su que Bill Ryder-Jones était bien plus qu’un talentueux guitariste. Musicien prodige, co-fondateur à 16 ans de la joyeuse troupe scouser The Coral, ce beau gosse au talent précoce écrira avec son camarade James Skelly une des plus belles pages de la pop britannique entre 2000 et 2007. Avant de définitivement jeter l’éponge en 2008, traumatisé par la routine des longues tournées. L’histoire de The Coral fait figure de beau gâchis dans la tradition des enfants turbulents/attachants de Liverpool. Une lignée qui compte Michael Head (Shack entre autres), Lee Mavers (The La’s) ou encore les tout aussi éphémères mais oubliés The Stairs.
Depuis, Bill Ryder-Jones s’est distingué en homme de l’ombre, son nom planant sur une multitude de disques (il fait signer Anna Calvi chez Domino, produit The Strypes, dépanne notamment en tournée son pote Alex Turner des Artic Monkeys, et compose quelques BO de films). Sur ses premiers pas en solo en 2011, il rangeait délibérément sa guitare pour être reconnu en tant que songwriter, notamment sur son premier album If et le superbe EP Leave taking Soundtrack, dominé par le piano et quasi instrumental. Un spleen pop élégant qu’il développera sur ses deux premiers albums (respectivement orchestré, puis acoustique), sans la moindre faute de goût. Juste peut-être un poil trop déprimé quand on a goûté à la brit pop fanfaron de The Coral.
West Kirby Country, son troisième album solo, fait figure de retour aux sources pour cet enfant du Merseyside, âgée aujourd’hui de 32 ans, puisqu’il a été enregistré en grande partie seul dans la maison de sa mère (où il a aménagé un studio) dans la banlieue de Liverpool et que le titre de l’album fait référence à son école primaire. Mais surtout, le multi instrumentiste a ressorti la guitare de l’étui, et opté pour une approche plus frontale et électrique. Et comme par magie, au contact de son instrument fétiche délaissée, une certaine décontraction dans l’écriture a repris le dessus. Etonnamment pourtant, ce n’est pas du côté de The Coral que balance ses accords, mais plutôt de l’autre côté de l’Atlantique, l’école slacker des années 90, Pavement, Weezer & Co.
L’intimiste « Tell Me You Don’t Love Me Watching”, qui ouvre l’album, sonne en effet cool et déglingué comme un bon vieux Crooked Rain ressorti des fagots. Tangente confirmée dès l’enlevé premier single « Two To Birkenhead ». Sur l’explosion électrique jouissive « Let’s Get Away From Here », on devine aussi l’influence du guitariste de Blur, Graham Coxon, dont il est notoire que ce dernier fut très imprégné par les mélodiques tarabiscotée de la bande à Stephen Malkmus. Entre nonchalance indie rock et élégance brit pop, quelque part la boucle est bouclée sur West Kirby Country Primary. Orfèvre de la ballade crève-coeur, ce beau gosse qui a décidément tout pour loui nous en sert deux superbes sur un plateau d’argent, « Catharine and Huskisson » et « Wild Roses ».
Le morceau de bravoure de l’album est décerné à « Satellites », où Bill Ryder-Jones y signe une de ses plus belles envolées guitaristique, et nous propulse dès la première note en orbite. Seul « Seabirds » placée au bout du sillon, tranche avec la bonne vibration générale du disque, une folksong rêche et tourmentée teintée d’americana où plane le spectre grave du maître Bill Callahan.
Indéniablement, ce plaisir retrouvé de reprendre le manche contamine les huit morceaux de ce disque, ainsi que nos esgourdes. En se prenant un peu moins au sérieux, Bill Ryder-Jones, devient plus fréquentable et délivre certainement son meilleur album solo.