En duo avec le multi-instrumentiste de Portland Brent Knopf, la voix habitée de The National, Matt Berninger se dévoile sous un jour radieux.


Forcément, le premier side project du chanteur de The National était attendue au tournant. On guettait d’ailleurs le virage depuis un moment, Matt Berninger ne semblant pas trop pressé en regard à l’hyperactivité des frères Dessner, qui de leur côté se distinguent dans divers groupes (Clogs, Kronos Quartet…), gèrent leur label Brassland, et sont même devenus des producteurs auréolés de succès – et plus particulièrement Aaron pour le superbe album Tramp de Sharon Van Etten. Bryce n’est pas en reste, on le retrouvera dans la BO de The Revenant, le prochain film d’Inarritu avec Di Cpario, où il collabore avec Ryuchi Sakamoto et Alva Noto. Bref, les jumeaux sont tellement investis sous différentes formes qu’on aurait presque tendance à s’y perdre.

Matt Berninger, lui, ne s’était encore pleinement investi dans une collaboration digne de ce nom, même si on a pu l’entendre prêter sa voix habitée pour des compilations caritatives ou chez quelques amis (ST. Vincent, Grinderman, The Forms….). C’est désormais le cas avec EL VY (prononcer « elle vaille ») entité qu’il partage avec le multi-instrumentiste et compositeur de Portland, Brent Knopf, leader de Ramona Falls et ex Menomena. Sur leur premier album Return to the moon, leurs univers respectifs sont reconnaissable, sans pour autant l’emporter l’un sur l’autre. A savoir pour Knopf une electro pop débridée, où se superposent nappes synthétiques solaire, gimmicks de guitare indie/funk, voire même un peu de folk ici et là (« It’s a Game ») qui pourraient rappeler les anglais de Youth, ou encore Postal Service. Là-dessus se pose le timbre grave et immédiatement identifiable de Berninger, ici sorti du contexte ténébreux que l’on connait, avec des textes plutôt portés sur la nostalgie et l’adolescence. La greffe, au départ incertaine, prend pourtant et n’est pas dénuée de charme. Le caractère coloré voire presque enjoué du disque se veut donc plus accessible que The National, tout en demeurant extrêmement bien ciselé.

A l’évidence, la présence imposante de Matt Berninger est certainement ce qui pouvait arriver de mieux aux compositions de Brent Knopf, excellent arrangeur de surcroit. L’alliance fonctionne à merveille sur le single tout désigné « Return to the moon », qui réserve une magnifique échappée orchestrée. A l’image également de « Paul is Alive », hommage nostalgique à la « Beatlemania » et la jeunesse émancipée des années 60.
On peut légitimement être en droit de penser que l’atout principal de Return to the moon est la voix du rocker The national présentée sous un jour nouveau, enclin à capter la lumière, même si parfois l’ombre immense de son quintet ne peut être totalement évitée – le hanté « Sad Case » enchaîné avec « Happiness, Missouri », talonne d’intensité la bande de Brooklyn. En croisant mélodies solaires et lune mélancolique, le duo a réussi une belle éclipse.

En concert le 8 décembre au Trabendo, Paris