Réédition de ce trésor seventies méconnu du guitariste de Pentangle. Une ode aux oiseaux, forcément aérienne, voire contemplative.




On vous parle d’un temps…Bien avant que l’ornithologue Jonathan Meiburg fasse aujourd’hui autorité en la matière avec son groupe Shearwater, le guitariste écossais Bert Jansch (1943-2011) avait lui aussi rendu hommage aux oiseaux sur un disque dédié. Earth Recordings, branche archiviste du label londonien Fire Records, vient donc de rééditer Avocet, cette petite merveille instrumentale parue en 1978 du cofondateur de Pentangle.

A titre personnel, on avoue avoir toujours eu un peu de mal avec le chant de Bert Jansh, sans pour autant minorer sur l’importance historique de sa discographie avec Pentangle ou en solo (le “countrysant” L.A Turnaround (1974) ayant notre préférence). La voix agréable mais limité de Jansch, souffre de la comparaison avec celles de ses camarades John Martyn et Richard Thompson. Cela tombe bien ici, Avocet est donc un album sans voix qui permet de prendre toute la dimension et l’audace de ce maître de la six-cordes acoustique. Les sept compositions constituant l’album – chacune empruntent un nom d’oiseau – ont été enregistrées avec sa paire légendaire, le multiintrumentiste Martin Jenkins (ici au violon, mandoloncelle et flûte) et le contrebassiste Danny Thompson.

En 1969, Pentangle avait déjà creusé le sillon sur Basket of Light en reprenant The « Cuckoo », une folksong traditionnelle. Près de dix ans plus tard, Bert Jansch s’en inspire à nouveau pour composer le titre “Avocet” qui donne son nom à l’album. Mais la version du trio prend ici un tour radicalement différent, délesté du chant de Jacqui McShee et d’arrangements qui ont difficilement supportés le poids des années (ah ce sitar!), en oeuvrant plutôt vers une épure où se lient voluptueusement folk, blues et jazz. Le morceau, étirée sur 18 minutes, d’une fluidité élégante rare, s’impose naturellement comme le tour de force du disque, tout en devenant son fil conducteur. Le solo de violon de Martin Jenkins dialogue harmonieusement avec le picking percussif de Jansch. La guitare virtuose de l’Ecossais, tout à fait captivante, augmente la cadence à partir de la treizième minutes pour semer de nouvelles graines dans le terroir folk. Cette migration musicale se termine tranquillement, tel un oiseau se posant gracieusement sur la branche.



Jansch s’émancipe ensuite sur « Lapwing », délaissant momentanément sa six-cordes pour un piano, dans le registre inattendu de la musique de chambre. Sur « Bittern », où la contrebasse de Danny Thompson improvise un solo jazzy, une guitare électrique aux arpèges noyés berce l’ambiance. La révolution est toujours très subtile chez Jansch, comme sur « Osprey », où l’Ecossais emprunte une rythmique bossa à la Joao Gilberto sur une grille d’accord folk, le détail a son importance.

Tout autant réputé difficile d’accès que considéré comme l’un des meilleurs albums solo de Bert Jansch par ses adorateurs, Avocet s’avère pourtant sur ce premier point moins ardu. La sérénité qui s’en dégage, à la limite du contemplatif, en fait incontestablement un disque abordable pour tous. Son charme a même gagné avec le temps une patine intemporelle, du fait certainement de son approche trio minimaliste. A l’époque, l’album n’avait seulement été distribué qu’en Angleterre et au Danemark, la réédition permet de gommer cet oubli. A noter que la réédition vinyle est splendide, dotée de six lithographies de toute beauté signée de l’illustratrice Hannah Alice, complétant la pochette originelle, même si le prix peut s’avérer dissuasif. Dans ce monde là, les noms d’oiseaux n’ont rien d’une injure, mais donnent une idée de la sérénité des cieux.