De retour pour un huitième album après une pause qu’on aurait pu croire définitive, The Coral s’offre une jolie renaissance, entre ruptures et continuités.



Voilà un retour que l’on n’espérait plus. Après un hiatus de 6 ans et la sortie de Butterfly House en 2010 (entrecoupé de la sortie d’un album d’enregistrements plus anciens, The Curse Of Love), on pouvait se demander quel nouveau visage allait nous offrir la bande de Liverpool, une des plus douées qu’ait vu naître la pop anglaise des années 2000. L’attente était donc à la hauteur de la passion pour un groupe aussi discret que captivant, qui n’a jamais eu la reconnaissance méritée hors de ses terres natales. Une attente pas tout à fait palliée par les albums solos des frères Skelly (sous les noms de Serpent Power pour Ian, et de The Intenders pour James).
Après les départs successifs de ses guitaristes Lee Southall et Bill Ryder-Jones (qui construit un Å“uvre solo de plus en plus passionnante, et dont la défection n’a pas empêché The Coral de sortir le très beau Butterfly House), le sextet est devenu quintet avec l’intégration Paul Molloy, qui officiait au sein de The Zutons (groupe ami qui avait ouvert pour The Coral lors de sa tournée en 2004, avec une fougue telle qu’elle a pu voler la vedette à leurs aînés).

La première écoute du disque, enregistré dans des conditions live au Parr Street Studios de Liverpool avec Richard Turvey comme co-producteur, a de quoi désorienter l’aficionado de la première heure, même si le groupe n’en est pas à sa première mue. Si la marque de fabrique des liverpuldiens réside dans ces mélodies à la fois complexes et immédiates, on se rappellera que The Coral explorait plusieurs horizons dès ses premiers disques.

Certes, on est relativement loin des recettes mélodiques malignes et sautillantes et des sonorités jangly sur lesquels se sont bâtis les succès initiaux du groupe (« Dreaming Of You », « Pass It On », « In The Morning »). Pour autant, la rupture n’est pas totale, et l’on retrouve de manière plus explicite des pistes explorées avec plus de parcimonie au fil des albums des liverpuldiens.



L’ambiance parfois oppressante de Distance Inbetween reprend une direction déjà présente en filigrane dans Nightfreak and The Sons of Becker (« Migraine », « I Forgot My Name ») et dans The Invisible Invasion (« The Operator », « Arabian Sand »). Le premier single « Chasing a Tail of a Dream », avec sa cadence accélérée, fait le lien avec le The Coral du milieu des années 2000, et rappelle la cavalcade de « Arabian Sand », sans être aussi épique. Et les moments plus calmes, comme « Distance Inbetween », « She Runs The River » ou « Beyond The Sun », bercée par l’orgue voilé de Nick Power, renouent avec les ballades mélancoliques et les mélodies éthérées de Butterfly House.

Néanmoins, le groupe a opté pour une approche plus minimaliste au sein de laquelle la rythmique serait l’élément central, considérant que jouer ensemble depuis deux décennies permettait une telle démarche. En résulte un tempo fougueux, dicté par les palpitations incessantes de la section rythmique, qui fait de ce Distance Inbetween l’album le plus rock’n’roll et électrique du groupe. Le son se veut lourd et épais, les claviers inquiétants et les violons hantés (« Connector », qui lorgne vers les Arctic Monkeys), les guitares puissantes et gorgées d’effets (les excellents riffs distordus de « White Bird » et de « Miss Fortune », le solo final aiguisé comme un rasoir de « Millions Eyes »), tandis que le chant apparaît plus sombre et étouffé qu’à l’accoutumée, et même parfois imbibé de reverb.

James Skelly n’a rien perdu de son talent de composition, mis au service de textes sombres emplis de références aux éléments naturels (l’eau, l’air, le feu, la lumière). On dénombre tout de même quelques ratés : « Holy Revelation « , un peu trop mécanique, et « Fear Machine », aussi pataude que du (mauvais) Black Keys.

Ressemblant plus à une nouvelle exploration qu’à un virage à 180°C, ce Distance Inbetween est un disque d’artisan qui se bonifie au fil des écoutes. Rien que pour ça, on peut être ravis.


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