Les indie rockers de Staten Island étoffent leurs mélodies sur un 4e opus impérialement produit par John Congleton.
Que faire après avoir déballé tout l’arsenal de guitares slackers des années 90 sur ces trois premiers albums ? C’est la question qu’a dû se poser le groupe Cymbals Eat Guitars au moment d’entamer l’écriture de Pretty Years. Après trois albums donc où le quatuor avaient parfaitement assimilé les six-cordes claires qui font “gling gling” et les distos destroy façon Pavement, Weezer ou encore Modest Mouse, il était temps d’étoffer le propos pour le quatuor emmené par Joseph d’Agostino. On entend par là baisser un peu les potards pour réinvestir l’espace dissonant. En usant de claviers bien entendu, mais aussi d’un saxophone très tendance ces temps-ci – on a l’impression d’en parler à chaque chronique, même si nous n’en sommes pas inconditionnel, loin de là.
Pour atteindre leur nouvel objectif, la formation new-yorkaise basée à Staten Island a pris la décision avisée de travailler avec le producteur John Congleton, qui a la réputation de rarement rater les disques auquel il collabore, que ce soit pour des artistes aussi différents que Anna Calvi, Swans, Bill Callahan ou encore The War On Drugs. Sur cette dernière collaboration précisément, John Congleton applique les même recettes pour Pretty Years, tant le mur sonique érigé impressionne. Surtout lorsqu’il s’agit d’équilibrer, ou plutôt de fondre dans le même chaudron des guitares shoegaze avec des nappes de claviers imposantes. On en a la démonstration éloquente sur “Finally”, spectaculaire morceau d’ouverture qui déploie une puissance de feu, tous claviers et guitares en avant façon Born in the USA.
Avec ce parti-pris d’arrangements colorés voire phosphorescents, Cymbals Eat Guitars signe à ce jour son disque le plus pop et acidulé. Mais une pop corrosive non dénuée d’une certaine profondeur. Joseph d’Agostino (chant, guitare et clavier), seul membre originelle de cette formation, qui a connu de nombreux remaniements depuis ses débuts en 2009, confie avoir eu en tête lors de l’écriture du disque des noms comme Bruce Springsteen, David Bowie, The Smiths (Morrissey en solo, par extension), The Cure… Soit des artistes de rock notoire à la carrière longue et bien remplie , qui ont notamment eu le mérite de survivre aux années 80, en signant à cette période des tubes d’envergure internationale sans trop se fourvoyer artistiquement. En ce sens les Cymbals Eat Guitars ne cachent pas sur ce quatrième opus leur ambition d’écrire une pop song universelle. Les très entêtant “Well” and “Have a Heart” (qui tire un peu sur du Police) s’inscrivent clairement dans cette volonté d’ouverture. Si l’ambition commerciale on le sait aujourd’hui est vouée inexorablement à l’échec (les canons de la pop imposés en 2016 ne sont évidemment plus les mêmes depuis bien longtemps), on y voit plutôt une ambition seine, motivée par une certaine nostalgie d’une période révolue où l’artistique pouvait percer vers le grand public.
Et puis le groupe n’a pas totalement tourné le dos à ses origines “slacker” comme en atteste le formidable, “4th of July”, qui ferait presque pousser la barbe à Joseph d’Agostina & Co tant les mimiques synthétiseur penchent vers le bug tubesque façon Grandaddy, ou encore le tout en verve « Beam » où la dissonance punk reprend le pas. Alors que les brillants jeunôts de Car Seat Headrest se pressent au portillon pour prendre la relève indie slacker, Cymbals Eat Guitars est passé à l’étape suivante et s’en sort indemne, voire embellit.
Sinderlyn / Differ-ant – 2016
Producteur : John Congleton
Site officiel du groupe
Site officiel du label Sinderlyn.com
Pretty Years tracklisting:
- Finally
- Have a Heart
- Wish
- Close
- Dancing Days
- 4th of July, Philadelphia (SANDY)
- Beam
- Mallwalking
- WELL
- Shrine