Osmose totale entre deux musiciens libres et économes de leurs moyens, mais pas de leurs émotions.
Deux artistes se sont unis pour le meilleur. D’un côté, l’australien Scott Matthew à la voix chargée d’émotions, de l’autre le compositeur arrangeur lisboète Rodrigo Leão. Le fruit de leur travail est intemporel et magnifique. Cette œuvre collaborative est imprégnée d’une ferveur contenue et frappée de mélancolie.
Scott Matthew est un chanteur compositeur australien né à Queensland, vivant à New York, à la discographie soignée, romantique et déjà étoffée de 5 albums. Il sera repéré par le public et la critique en 2006 pour son travail musical sur la BO du film Shortbus de John Cameron Mitchell.
Rodrigo Leão est aujourd’hui une institution dans son pays. Il fut d’abord un pionnier de la scène pop portugaise des années 80, cofondateur du groupe Sétima Legião en 1982, et de Madredeus en 1985. En l’espace de 8 années il accompagnera le fado dans sa mue, et apportera sa pierre à l’édifice, en contribuant à promouvoir la musique populaire portugaise. Dès 1993 il poursuivra en solo, et plus tard sous la bannière du Cinéma Ensemble. Il fricotera aussi avec le cinéma. A sa demande son chemin artistique croisera la fine fleur de la musique indie : l’Irlandais Neil Hannon, le mélancolique Stuart A. Staples, la reine du trip-hop Beth Gibbons ou le piano de Ruyichi Sakamoto. Tous répondront favorablement à son invitation. Quant à Matthew, leur rencontre a lieu à Lisbonne en 2011. Cet échange positif sera quantifié par le titre ‘’Terrible Dawn’’ sur son album La Montaña Mágica, chanson que l’on recroise aujourd’hui. L’association fut trop brève. Les 2 artistes se devaient un bis repetita. C’est donc chose faite.
Cette nouvelle collaboration semble du coup parfaitement rodée. Les musiciens ont déjà fait connaissance. Les rôles sont bien définis. Leão est en charge de la composition et de la production et Matthew des paroles, de la mélodie et du chant. Scott Matthew et Rodrigo Leão ont littéralement fusionnés leur savoir-faire. Le fruit de ce travail est une œuvre homogène et splendide. Voilà deux musiciens en marge des courants dominants, qui allient épanouissement personnel – on le suppose à l’écoute de cet opus – et refus de compromis dans l’exercice de leur métier.
Life is Long s’explore dans la tranquillité. On y découvre alors son charme et son nuancier de mélancolie. A contrario, pour l’impatient et l’hyperactif gavé de décibels, le temps risque d’être un peu long. La première approche – le visuel de sa pochette très label ECM – augure du meilleur. Un paysage pastel un brin austère balayé par un vent doux et régulier. Voilà pour le cadre propice et idéal à la méditation et aux rêves. Quant à la musique, les quelques notes d’un piano minimal accompagné par la voix oh combien chaleureuse et chargée en émotion de Scott Matthew suffisent à nous persuader que l’on tient là un disque précieux. La suite ne déçoit pas.
L’un des atouts principaux de cette production est la voix de Matthew. Cette voix ardente si caractéristique. Dans l’absolu elle pourrait être un mélange parfait de celle d’Anohni Hegarty, de David Sylvian et de Martyn Bates d’ Eyeless in Gaza.
Pour des oreilles vierges de son travail c’est avant tout ce qui nous accroche. On aime ou pas, en tout cas on ne l’évite pas. Sur Life is Long elle donne le ton à l’instrumentation. Elle est justement contrebalancée par la musique, une pop symphonique effleurant par instant le monde du classique ou de la musique contemporaine.
Chaque chanson est un nouveau brasier qui se consume lentement. L’écoute est magnétique et mélancolique. Extraire un titre plutôt qu’un autre s’avère inapproprié. Le tempo général est tranquille, les musiques sont radieuses et apaisées mais bercées par un sentiment de mélancolie appuyée. Malgré cela les musiciens ne sombrent jamais dans le pathos. Cette série de treize chansons est lyrique. De multiples instruments à cordes côtoient quelques discrets claviers et de rares guitares électriques. Life is Long est un petit bijou radieux et ténébreux sur une échelle du temps qui semble s’étirer à l’infini. Une pause radieuse.
Scott Matthew et Rodrigo Leão se sont manifestement investis. Ils y ont mis tout leur cœur. Pour tout ceci et pour la qualité de leur prestation l’achat compulsif est requis.
Glitterhouse Records/ Differ-ant – 2016
https://fr-fr.facebook.com/RodrigoLeaoAndScottMatthew
TRACKLIST :
- Child
- The Fallen
- Enemies
- Empty Room
- Nothings Wrong
- That`s Life
- In the End
- The Same day
- Truce
- Unnatural Disaster
- Terrible Dawn
- Death Defying
- Life is Long