La chèvre, cet animal plutôt agile et facilement domesticable, peut parfois prendre des risques de casse-cou le long d’escarpements dangereux mais s’avère experte dans le tri sélectif de ce qui la nourrit.
Requiem est le troisième album du collectif des doux-dingues suédois Goat. Derrière leurs masques un peu flippants, leurs boubous sans âge, ils y poussent un peu plus l’exploration de la collision inopinée de leur folk barré avec d’évidentes influences exotiques. Particulièrement inspirés par l’Afrique, les ingrédients sont passés sans vergogne à la moulinette psychédélique de leurs sons distordus ou poussés au paroxysme de leur transe originelle.
Drôle de requiem donc, incanté par ces énergumènes givrés – le grand Nord certainement – ou hippies chamaniques : aucune noirceur ni contemplation ici, qu’un peu d’inquiétude parsemée au gré des titres « Alarms » ou « Trouble in The Streets ». Ainsi sur des riffs chatoyants et tournoyants, les voix se mettent-elles à hurler, scander, les tambours menant la danse quand elles se font plus discrètes, au cours d’un disque qui paraît n’être qu’instrumental.
C’est à la fois la force et la faiblesse de l’album d’ailleurs. D’un côté pourrait-on se lasser des répétitions lancinantes, de la longueur des ph(r)ases de flûtes hystériques, mais ces temps longs et répétitifs viennent justement casser les codes proprets de la pop traditionnelle, « européenne ». On pourrait de même reprocher au groupe d’être ces « petits blancs » surfant sur une vague de récupération du highlife africain ou du psychédélisme 70’s (Amon Düül, es-tu là ?). Et c’est en partie vrai. En revanche, la conviction du groupe à inscrire sa propre musique non pas dans un microcosme d’un seul genre ou d’une seule scène mais sur le grand échiquier de la musique du Monde fonctionne à merveille. En toute humilité.
La générosité communicative, la joie de vivre des temps primitifs ne sont pas calculés mais bien instinctifs. Ainsi Goat rendent-ils hommage à la culture qui les inspire en invitant Oumou Sangaré, la chanteuse malienne ou, sur un merveilleux « Goodbye », le joueur de kora Maher Cissoko sans oublier un clin d’œil final à la philosophie Ubuntu.
Alors, folie douce ou calcul de l’air du temps, peu importe. Le disque et le groupe emportent l’auditeur dans leur univers si particulier sans laisser de temps mort, force irrésistible de l’improvisation collective et convaincue.
Faire fi des dangers afin d’assouvir sa passion et se laisser dompter, tel est le pari réussi de GOAT.
Rocket Recordings / Differ-ant – 2016
Tracklisting :
- Djôrôlen / Union Of Sun And Moon
- I Sing In Silence
- Temple Rhythms
- Alarms
- Trouble In The Streets
- Psychedelic Lover
- Goatband
- Try My Robe
- It’s Not Me
- All-Seeing Eye
- Goatfuzz
- Goodbye
- Ubuntu