Le chanteur et guitariste folk Riley Walker confirme. Son ascension est limpide, son avenir s’annonce radieux comme un crépuscule matinale.
Ryley Walker a la vista de l’artiste impliqué et qui ne tourne pas en rond. A peine ce troisième album dans les bacs – et de nombreux mois de tournée dans les pattes – le voilà déjà penché sur son futur. Une série de nouvelles chansons a déjà été griffonnée sur son carnet de route. Animé par le désir du changement, sa future orientation semble déjà actée. Son prochain opus intègrera des synthétiseurs et sera parsemé d’instruments exotiques. Walker est à la recherche de textures sonores inexplorées, en résumé, en attente de nouvelles sensations.
En remontant le fil de sa discographie, le musicien de l’Illinois a déjà croisé du beau monde. Extirpé de la scène noise de Chicago, il expose fièrement en 2014 sur Tompkins Square son premier effort All Kinds of You. Son folk respectueux des traditions capte derechef l’attention. Sa musique évoque d’entrée d’illustres figures : Bert Jansch, Tim Buckley, John Fahey. On le remarque, mais surtout, on lui prédit le meilleur. Car ce musicien a du goût et de la technique. Adolescent le jeune Ryley a côtoyé et chéri des musiciens fervents et habités. Jack Rose – alors nouvelle étoile incandescente de l’American Primitivism – sera son guide. Il se délectera tout particulièrement de son picking. En parallèle, il n’oublie pas les générations émergentes – Six Organs Of Admittance, Espers ou Wooden Wand – adeptes du freak folk (folk acoustique psychédélique). Cette palette de nuanciers sera sa base. Révélé à un public plus nombreux en 2015, son second effort Primrose Green enfonce le clou et sera largement plébiscité. Van Morrison, John Martyn ou Nick Drake s’ajoutent à son cercle d’influences. Son folk pastoral et délié mélange alors adroitement- jazz, folk et rock. De nombreux musiciens viennent de bon cœur collaborer ou jouer à ses côtés. Le légendaire bassiste Danny Thomson (Pentangle) et la folkeuse californienne Meg Baird (ex Espers) l’accompagne en tournée. C’est un signe, le gaillard a du potentiel !
Les premières notes de Golden Sings That Have Been Sung se savourent. On admire d’emblée sa technique de guitare et son picking. Le tempo est fluide et sans anicroche, sa voix est détachée, les arpèges de guitares flottent et se faufilent à la vitesse de son jeu aérien. Quelques séquences de clarinette étoffent le titre. Une légère montée d’adrénaline marque le sommet de ce morceau – à bien y regarder- en grande partie instrumental. Dans ces moments précis ‘The Halfwit in Me » évoque clairement les musiques aventureuses et post-rock du label de Chicago Thrill Jockey – période années 90. Les spectres de Jim O’Rourke, Gastr Del Sol ou The Sea & the Cake voire Tortoise sont bien réels. L’évolution musicale est notable. Les morceaux luxuriants –agrémentés d’instrument à cordes (harpe, violoncelle, clarinette) en côtoient d’autres plus dépouillés et acoustiques. Dans ces moments là – plus intimistes – Ryley est d’avantage fidèle à ses pairs et fait preuve d’un classicisme de bon aloi, dans les autres – plus aventureux – il se laisse alors volontiers emporter par de significatives improvisations.
Dans un ressenti global totalement convainquant, quelques passages nous enthousiasment plus que d’autres : le dégarni et touchant « I Will Ask You Twice » – ou Ryley en deux minutes chrono déclare sa flamme et pose sa demande en mariage ; la douce mais passionnée « Funny Thing She Said », ballade où respire le chant, l’instrumentation (violon, guitare) et le silence ; le volcanique « Sullen Mind » – propice à de longues improvisations ou ‘The Roundabout’ et son hommage nostalgique à l’atmosphère des bars de quartiers du Midwest américain. Ce convainquant morceau débute dans la désinvolture et se clôt sur un tempo enlevé qu’entretient généreusement la contrebasse d’Anton Hatwich.
“You could find me at the Roundabout”
Ryley revient donc sur ses terres d’adoption, avec en guise de rafraichissement une pinte de Fist City Chicago Pale Ale.
Les choses de la vie, de sa vie, sont omniprésentes. « Age Old Tale » est ancré dans son quotidien, celui des couche-tard que Ryley a beaucoup fréquenté à la sortie des bars tôt le matin. Comme il le déclare si bien : sur le chemin du retour, à 2 heures du matin, existe un moment bien particulier – une parenthèse – où l’instant est propice à laisser dériver son esprit. « Age Old Tale » est ce long monologue intérieur et crépusculaire, retranscrit magnifiquement en musique. Une attention toute particulière a été consacrée à ce morceau. Ryley s’est appuyé sur les compétences du producteur et multi-instrumentaliste LeRoy Bach (Wilco). Le rythme est lancinant, les riffs de guitares s’écrasent et refluent par vagues régulières. On est emporté dans ce zigzag musical. Ce morceau fête les noctambules et buveurs du vendredi soir. Il clôt ce disque ; il aurait tout aussi bien pu se prolonger jusqu’au petit matin.
Riley Walker semble développer une certaine nostalgie. Comme s’ il anticipait déjà un changement de situation le concernant – une popularité accrue – qui rendrait et annihilerait alors toute objectivité et sincérité. Profitons de l’instant et apprécions ces chansons en or.
Dead Oceans/Pias – 2016
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Tracklisting:
- The Halfwit In Me
- A Choir Apart
- Funny Thing She Said
- Sullen Mind
- I Will Ask You Twice
- The Roundabout
- The Great And Undecided
- Age Old Tale