Le trio synth pop emmené par le charismatique Samuel T. Herring a rangé son grain de folie au placard, mais le charme demeure.
Si il y a un succès qui est amplement mérité, c’est bien celui de Future Islands. Après dix années d’existence dont la première moitié dans une relative confidentialité, le trio synth pop de Baltimore (Maryland), alors fraîchement signé chez 4AD en 2014, décroche la timbale suite à une prestation télévisée d’anthologie chez David Letterman, visionnée des millions de fois sur YouTube. Un nouveau public tombe instantanément sous le charme de l’interprète du titre “Seasons”, Samuel T. Herring, singulier chanteur, showman extraordinaire aux accents shakespeariens et danseur littéralement possédé.
Personne ne nous avait fait cette impression en concert depuis Josh Pearson (Lift to Experience) ou John Maus (tiens donc d’ailleurs que devient-il celui-là?).La légende raconte qu’Herring aurait développé sa gestuelle étrange suite à un accident survenu la veille d’un concert en 2004 : son pied écrasé malencontreusement par la voiture même qui le conduisait au spectacle, le chanteur immobilisé malgré lui sur scène, imagine alors ce personnage tourmenté pour distraire le public. Et l’histoire est en route.
Future Islands a choisi de sacrifier une partie de sa singularité pour devenir un groupe totalement pop
Mais voilà que se pose maintenant l’éternel dilemme : le succès rend-il moins audacieux ? C’est la question qu’on peut légitimement se poser à l’écoute de The Far Field. Sur ce cinquième opus, Samuel T. Herring et ses comparses Gerrit Welmers (synthétiseurs) et William Cashion (basse), ont choisi de jouer la carte de la sécurité, en creusant le sillon de son prédécesseur Singles, disque inégale, qui soulignait déjà une volonté de rentrer dans le rang avec une production notamment plus « propre ». En diluant leur étranges nappes synthétiques, celles même qui cultivaient subtilement une ambiguïté kitsch-lo-fi sur les superbes On the Water (2011) et Evening Air (2010), Future Islands a choisi de sacrifier une partie de sa singularité pour devenir un groupe totalement pop.
Doté d’un budget studios nettement revu à la hausse (le disque a été enregistré à Los Angeles, New York, puis en Caroline du Nord), The Far Field ne donne pourtant pas à entendre de changements notable sur le plan de la production, si ce n’est maximaliser leurs compositions, jusqu’à en devenir homogène de bout en bout. Et ce ne sont pas les parties de batterie, qui ont remplacé pour la première fois leur bonne vieille boite à rythme, qui vont modifier la donne.
Mais si Future Islands ne cherche pas à révolutionner sa formule, reconnaissons que ces douze compositions se tiennent. Grâce bien sûr à Samuel T. Herring, qui remporte encore une fois la partie avec son chant à l’expressivité exacerbée…Sur “Ran” d’abord, superbe premier single, fuite en avant à la mélancolie emportée ; “Cave” et son refrain traumatisant répété inlassablement “I Don’t Believe you anymore”, transfiguré par cette voix hors-norme ; “Shadows”, pop song émotionnelle et pulsative, chanté en duo avec la rockeuse blonde ultime Debbie Harry, s’en tire plutôt bien. Ou encore, « North Star », qui sort un peu du lot avec ses percussions exotiques, bien que le titre finit pas nous évoquer les Killers.
The Far Field, disque convenu dans son ensemble, demeure malgré tout plaisant. Seulement, la folie a déserté les lieux, contrebalancé par une certaine efficacité pop. Le nouveaux venus adoreront, les autres probablement aussi, même si désormais, il persiste à nos oreilles, un sentiment de surplace sur le plan artistique chez ce trio pourtant capable du meilleur.
En concert à Paris, l’Elysée Montmartre, les 9 et 10 mai prochain.
4AD/Beggars – 2017
Site officiel -> www.future-islands.com/
Page Facebook officielle : www.facebook.com/FutureIslandsMusic/
The Far Field Tracklist:
- Aladdin
2. Time On Her Side - Ran
- Beauty Of The Road
5. Cave
6. Through The Roses
7. North Star
8. Ancient Water
9. Candles
10. Day Glow Fire
11. Shadows