La folkeuse Néo-Zélandaise signe un second album produit par John Parish, à la beauté captivante.
L’humeur n’est pas vraiment à la fête. Et pourtant, c’est ainsi que la Néo-Zélandaise Aldous Harding a choisi d’intituler son deuxième album, Party. Cette folksinger des antipodes, fraîchement signée sur le prestigieux label anglais 4AD, avait capté notre attention voilà trois ans avec un formidable premier album éponyme, baroque et minimaliste, sur le label culte Flying Nun. La mention du label historique des Bats et The Clean serait un gage à elle seul d’excellence, tant ses sorties « nouveaux talents » se font rares depuis quelques années. Quelques lignes également en ces pages même, en février 2016, lors d’un entretien avec son compatriote et partenaire Marlon Williams, autre voix exceptionnelle, qui venait de sortir son premier album, co-produit par Aldous Harding et qui chante aussi sur la plupart des morceaux. Tout cela, avait attisé notre intérêt. Et nous n’étions pas les seuls, puisque le label 4AD l’a depuis accueilli dans sa petite famille.
Coiffée d’une casquette redneck sur le portrait illustrant la pochette de son premier album, le regard pénétrant, la garçonne Aldous Harding dégageait indéniablement une présence singulière, magnétique. Sa voix, théâtrale, possède cette capacité de s’approprier naturellement l’espace, de rentrer littéralement dans la peau des personnages qu’elle chante : enfantine quand elle flirte dans le registre des aigus, elle gagne subitement 50 ans de maturité lorsqu’elle bascule dans les graves, la mue est aussi subite que saisissante. Tantôt ange, tantôt démon (« Imagining My Man », « I’m so sorry », « Horizon »…). De mémoire, on n’avait pas ressenti pareil frisson depuis les premiers Eps d’Angel Olsen.
Party, second album de cette guitariste, auteur, compositeur et interprète est produit par le légendaire britannique John Parish, orfèvre de la mise en son épurée, et dont la réputation reste intimement liée aux premiers albums de PJ Harvey. La comparaison avec l’icône rockeuse anglaise de Dry traverse forcément l’esprit, mais s’arrête aussitôt. Tout d’abord parce que Aldous Harding évolue dans une folk intimiste, teintée de « gothique » selon ses propres termes. John Parish semblait l’homme tout désigné pour donner un cachet plus moderne à son corpus folk, sans pour autant bousculer son petit univers.
Dans un cadre où l’épure est de mise, chaque détail a son importance. Et c’est là le point fort de John Parish, qui réalise encore une fois un travail formidable : une boite à rythme binaire, un larsen, quelques nappes de moog à l’ambiance sépulcrale suffisent sur “Blend”, qui ouvre l’album, pour installer une atmosphère tribale et austère. Ailleurs, quelques harmonies vocales doublées intensifient cette présence, sans sonner déplacés (« The world is Looking For You »). Tout est parfaitement à sa place, et pourtant, quelque chose de brisé nous emporte dans ce gouffre mélancolique.
Il faut dire que, lorsqu’elle s’accompagne seulement de quelques arpèges à la guitare, Aldous Harding prouve qu’elle n’a guère besoin davantage pour installer le décor, sa voix mutine fait le reste. Comme lorsqu’elle nous replonge notamment dans les premiers amours de jeunesse que l’on croit éternel – « Party » et ses choeurs de gamine « I will never break from you”. “Imagining My Man”, sublime complainte au piano nappée de cuivres mélancolique, avec son refrain (“All my life, I had to fight to stay”) étrangement perturbé par des cris d’une chorale d’enfants (« Hey! »). Ou encore Horizon, bouleversant au piano, discrètement étoffé de cordes. En bout de chemin, Mike Hadreas aka Perfume Genius a posé sa voix sur “Swell Does The Skull”, et évidemment, l’alliance de ces deux voix emplies de trémolos s’avère bouleversant. Cette force intérieure dont elle est capable de tirer du plus profond de son âme, nous évoque l’emblématique Kristin Hersh. Tout ça pour dire que nous tenons là l’un des plus beaux album de folk de cette année.
4AD – 2017
Producteur – John Parish
http://www.aldousharding.com/
https://www.facebook.com/AldousHarding
Tracklisting :
- Blend
- Imagining My Man
- Living The Classics
- Party
- I’m So Sorry
- Horizon
- What If Birds Aren’t Singing They’re Screaming
- The World Is Looking For You
- Swell Does The Skull