Les héros indie rockers The National signent un 7e album semi ampoulé par une production vainement Hi-Tech, mais sauvent toutefois les meubles grâce à une poignée de titres habités.


 

Une maison isolée, la nuit tombée. A travers une fenêtre éclairée, on distingue à l’intérieur des musiciens en pleine séance d’enregistrement. Le visuel qui illustre la couverture de ce septième album de The National pourrait être un clin d’oeil à la légendaire maison Big Pink de The Band, située à quelques heures au nord de l’Etat de New York, Woodstock. Car il s’agit du studios flambant neuf d’Aaron Dessner, baptisé Long Pond, où a été enregistré ce septième album du groupe, Sleep Well Beast. Construit dans la vallée de l’Hudson au bord d’une étendue d’eau, ce chalet cache derrière sa façade boisée un temple du son dernier cri. Justement, le quintet rock new yorkais semble avoir pleinement exploité les capacités technologique du lieu, tant les douze compositions de Sleep Well Beast atteignent un degré de sophistication encore jamais atteint par le groupe.

Avec Trouble Will Find Me (2013), la bande à Matt Berninger et des deux fratries Aaron et Bryce Dessner, Scott et Bryan Devendorf, proposait une suite supérieure à High Violet (2010), disque baroque, parfois inégale, où émergeait déjà un intérêt pour les claviers et les textures atmosphériques. Co-produit par le groupe et mixé par le fidèle Peter Katis, Sleep Well Beast continue de creuser dans cette direction, repoussant encore leurs limites d’une production au son de plus en plus panoramique. 

Toutefois, cette quête technologique ne parvient pas à renouveler totalement l’univers du quintet, qui en creux, ne fait que décliner, à quelques nuances près, son rock tourmenté.  Le premier titre dévoilé sur la Toile, “The System Only Dreams In Total Darkness”, en est l’exemple flagrant : des couches synthétiques amples et diverses pulsations digitales occupent majoritairement l’espace, tandis que la guitares électrique est quant à elles réduite à un gimmick bref et répétitif (procédé réitéré aussi sur “The Day I Die”). Mais il faut se rendre à l’évidence, sous son enrobage très design, le goût reste le même. La question de la pertinence de ce choix de production se pose alors : pourquoi noyer d’effets certaines chansons si celles-ci pourraient se suffire à elle-même ? The National prouve pourtant qu’il en est encore capable sur l’épuré et gracieux “Carin at The Liquor Store”.

D’autres compositions d’obédience contemplatives, comme “Nobody Else Will Be There”, “Walk it Back”, “Sleep Well Beast”, “Guilty Party”, pas réellement bouleversantes ou suffisamment fortes, font l’effet de compositions inachevées destinées à faire office d’interlude entre deux bourrasques. Car Sleep Well Beast propose encore belles échappées, bien que de plus en plus rares. Parmi elles, les très élaborés “Empire Line” et “I’ll Still Destroy You” où la batterie toujours si audacieuse de Bryan Devendorff parvient à tirer l’ensemble vers le haut.  Et puis aussi l’hymnesque “The Day I Die”,  accrocheur mais un peu facile sur les bords,  laissant cette impression bizarre de « déjà entendu ». Plus radical, “Turtleneck”, certainement la composition la plus “heavy” jamais enregistré par le groupe, se réapproprie le hard glam de T-Rex avec entrain.  On pensait qu’EL VY, le projet electro-pop de Matt Berninger paru en 2015, aurait apporté une dose de légèreté rédemptrice à leurs chansons. C’est un peu le cas, notamment sur le superbe “Dark Side of The Gym”, tout en ironie, mais le changement demeure encore trop timide.

Ces quelques exceptions sauvent Sleep Well Beast de la déroute, et devrait assurer au quintet une audience encore plus large. Mais serons-nous toujours aussi indulgents la prochaine fois qu’il nous serviront le même plat pour la quatrième fois ? Permettez-nous d’en douter.

4AD/Beggars – 2017

 

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Tracklisting :

  1. Nobody Else Will Be There
  2. Day I Die
  3. Walk It Back
  4. The System Only Dreams In Total Darkness
  5. Born To Beg
  6. Turtleneck
  7. Empire Line
  8. I’ll Still Destroy You
  9. Guilty Party
  10. Carin At The Liquor Store
  11. Dark Side Of The Gym
  12. Sleep Well Beast