Retour sur une des grandes réussites de ces derniers mois, les turbulents Idles, qui participent crânement à l’éternelle relève du punk Anglais.


« Brutalisme: (Architecture) Mouvement architectural axé sur une nouvelle étude des besoins fonctionnels et sur une construction laissant apparaître les infrastructures en matériaux bruts (béton, brique, etc.)« . Pour développer, on rajoutera que le Brutalisme impose des constructions dépouillées et sommaires a première vue, qui cachent pourtant une technique souvent pointu pour parvenir à ce résultat brut d’apparence. Dans d’autres cas, c’était juste le moyen le plus simple et onéreux pour construire de grands éléments d’habitation à toute vitesse. A l’image de ces grands ensembles qui entourèrent les membres d’Idles, qui ont grandi dans la banlieue de la chic et Trip-Hop Bristol. Formé en 2012, ils semblent en phase – toute proportion gardée – avec cette philosophie de travail. Tournant régulièrement dans des caves miteuses, ce n’est qu’en 2017 que sort ce premier album, la faute, confesse le groupe, à un niveau technique « déplorable ». Pourtant, avec leur look à mi-chemin entre le hooligan à la sortie du Pub et le hypster soigneusement dépravé, et se réclamant du Punk, trois accords sur un tempo rapide et quelques fausses notes auraient certainement pu faire l’affaire.

 

Pourtant, élaboré à partir de paroles primaires et souvent répétitives posées sur une musique agressive, Brutalism est un album de punk conceptuel, qui, sous un épais apparat brut, cache une grande sophistication. En atteste l’humeur changeante du groupe, parfois drôle, souvent angoissé, comme avec « Mother », sur laquelle Joe Talbot répète inlassablement les horaires de travail de sa mère, et, le tempo et quelques bruitages aidant, crée une sorte d’effroi grandissant à mesure que la chanson avance. En rendant hommage à sa défunte mère, il égratigne au passage les Torys (la droite Anglaise) et lance un appel plus général aux diverses violences faites aux femmes : « Sexual violence doesn’t start and end with rape, It starts in our books and behind our school gates ». Rien n’est gratuit.

Dans un registre plus léger, l’autre tube,  « Well Done », avec son tempo chaloupé et ses paroles vindicatives, n’est pas dénué d’humour-benêt, d’autant qu’il envoie une bonne dose d’énergie, quand « Stendhal Syndrome », se moque de l’art moderne (« Did you see that painting what Rothko did? Looks like it was painted by a two year old kid », ne pas manquer le clip qui accompagne la chanson). L’énorme « 1049 Gotho » enfonce le clou dans le genre vulgaire : « My friend is so depressed, She wanted to have sex, I pissed in the kitchen sink, As she slowly undressed ». Car Idles, c’est un peu l’intello qui joue le bourrin, un genre de Dupontel jouant Bernie, ou, pour rester en Angleterre, un Tom Hardy jouant Bronson (personnage d’ailleurs parodié dans le clip de « Divide & Conquer »): la satire sociale n’est jamais loin.

Les paroles et le chant, incisif, prennent une place prépondérante sur l’album, mais ce sont les musiciens qui font que chaque titre est quasiment un incontournable : du tempo basse-batterie enlevé de « Rachel Khoo » aux montées en puissance de « Heel / Heal » ou « Date Night », avec toujours en toile de fond cette guitares inquiétante qui grésille, et surtout cette basse qui pétarade, à la manière du plus beau des pots d’échappements de grosse cylindrée. C’est ce tout qui permet à Idles de se tailler une place choix au sein de cette vague de Rock contestataire, portée par  Slaves, Shame, Loom, ou les plus vieux Fat White Family et Sleaford Mods.

Quant à la voie choisie par le groupe, Joe Talbot l’explique en interview : il ne cherche pas à inventer. Idles se veut instantané, excitant, radical, mais surtout viscéral. Sans dénuer le fond, l’important reste la forme et l’énergie, le besoin d’évacuer sa colère en communion avec son public, pour, in fine, retrouver la paix. Car c’est ainsi que se terminent tous les messages qu’ils postent sur les réseaux sociaux : « All is love ». Pour autant, le combat continue.

Label : Balley Records/Differ-ant

 

EN TOURNEE :

 Le 4 Décembre – Belfort, La Poudrière

Le 5 Décembre – Rouen, Le 106

Le 6 Décembre – Reims, La Cartonnerie

Le 7 Décembre – Paris, Le Point Ephémère // Fb event

 Tracklist:

  1. Heel / Heal
  2. Well Done
  3. Mother
  4. Date Night
  5. Faith In The City
  6. 1049 Gotho
  7. Divide & Conquer
  8. Rachel Khoo
  9. Stendhal Syndrome
  10. Exeter
  11. Benzocaine
  12. White Privilege
  13. Slow Savage